La hausse du marché japonais est appelée à se poursuivre
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Malgré la forte progression de la bourse des actions au cours de l’année 2013, le marché nippon devrait continuer à bénéficier des effets positifs de la politique gouvernementale, dans un environnement économique favorable. Par Sam Perry (Pictet-Japanese Equity Selection)

Après une année de progression du marché nippon de plus de 50%, l’investisseur à long terme au Japon pourrait décider de prendre ses bénéfices et attendre un repli qui, compte tenu du schéma d’évolution traditionnel du marché, devrait être inévitable. Mais il semblerait que la plupart n’y voient qu’un rally éphémère, semblable à ceux des quinze dernières années.
Pourquoi dès lors arrivons-nous à une autre conclusion? Pourquoi, selon la formule désignée par Sir John Templeton comme la plus dangereuse en matière d’investissement, «est-ce différent cette fois»? La plupart des commentaires se sont concentrés sur Shinzo Abe et les «Abenomics», son fameux plan de réforme économique. Or, malgré l’enthousiasme, cette politique ne nous semble pas avoir radicalement changé la thèse d’investissement au Japon.
La stratégie mise en place par Shinzo Abe vise surtout à mettre fin à la déflation et, dans une moindre mesure, à introduire des réformes structurelles favorisant une croissance durable. Si cette action comporte des aspects très positifs – notamment la nomination de Haruhiko Kuroda et Kikuo Iwata aux postes de gouverneur et vice-gouverneur de la Banque du Japon, et la participation de l’Archipel aux négociations sur le partenariat transpacifique sur une zone de libre-échange – soulignons aussi qu’il a eu la chance de revenir au bon moment.
Cela a en effet coïncidé avec la fin du mandat de l’actuel gouverneur de la Banque du Japon. Son successeur a mis en œuvre une stratégie agressive d’assouplissement monétaire qui a fourni à Abe sa première flèche (son adjoint K. Iwata, professeur d’économie, et lui sont des adeptes de l’école monétariste classique). Contrairement à leurs prédécesseurs, ils n’ont pas hésité à adopter une stratégie d’«assouplissement quantitatif et qualitatif» radicale pour venir à bout de la déflation.
Autre facteur, l’économie japonaise amorçait déjà un tournant quand il a pris les rênes. Les premiers signes témoignant d’un recul de la déflation ont été observés mi-2013: la demande de prêts bancaires a augmenté, les entreprises ont commencé à utiliser leurs abondantes liquidités – équivalentes à 30% du PIB – pour financer fusions-acquisitions et investissements, la baisse des prix de l’immobilier s’est atténuée avec la reprise des prêts hypothécaires. Notons que tous ces éléments constituent des indicateurs de la demande: sous l’angle monétaire, il y a longtemps que les problèmes d’offre – la réticence d’un système bancaire endommagé à assurer ses fonctions d’intermédiaire – ont été résolus. Restaurer la santé du système bancaire était une étape nécessaire, mais pas suffisante. Tourner la page de la déflation implique une volonté d’investir et d’emprunter. C’est ce que nous avons observé. Shinzo Abe et la nouvelle direction de la Banque du Japon ont accéléré cette tendance et la confiance des grands groupes, des PME et des ménages s’est sensiblement renforcée.
En 2013, d’autres indicateurs ont viré au vert, prix des logements et salaires en hausse (pour la première fois depuis plus de dix ans, l’emploi est en flux tendu partout), le regain de confiance des ménages se traduisant par une consommation accrue.
Le passage de la déflation à l’inflation a de profondes implications pour le marché actions. Les portefeuilles des investisseurs institutionnels et privés sont depuis des années faiblement pondérés en actions, et fortement pondérés en liquidités et en obligations. Même avec des rendements nuls, ou quasi-nuls, une telle allocation se justifiait dans un contexte déflationniste. Aujourd’hui, les institutionnels renforcent leurs allocations en actifs risqués. Les investisseurs privés ayant un solide appétit pour le risque sont revenus, et la première édition 2013 du Shikiho (la bible de l’investissement au Japon, qui détaille toutes les sociétés du marché) est épuisée. Et avec le lancement par le gouvernement des comptes NISA (Nippon Individual Savings Account), les participations en bourse des ménages augmenteront encore en 2014. Près de 10% de la population devrait investir dans ces nouveaux placements exonérés d’impôts, soit des entrées de capitaux qui représenteraient 4% du marché.
Mais il ne s’agit pas d’une bulle car malgré la hausse des cours, le marché continue d’offrir de la valeur. Les sociétés japonaises se restructurent depuis des années. L’assainissement du secteur bancaire, la réduction des coûts, l’amélioration des marges et de l’efficience, la hausse des dividendes et les rachats d’actions constituent les soutiens fondamentaux au marché après dix ans de changements. A cela s’ajoutent la dynamique insufflée par la politique monétaire, un yen faible dans un contexte économique plus favorable à l’étranger et l’amélioration de l’économie domestique. Nous ne sommes donc pas en présence d’une hausse éphémère. En résumé, il est temps d’investir au Japon.