Pourquoi les hedge funds ont-ils déçu en 2011?
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En raison de l’évolution rapide des conditions du marché, une allocation avisée des stratégies de hedge funds s’avère extrêmement difficile. Seuls les gestionnaires spécialisés en ont les moyens. Tous les autres ont tout intérêt à opter pour des fonds de hedge funds diversifiés
*ZHAW, Zurich University of Applied Sciences, School of Management and Law, Centre Alternative Investments and Risk Management
La crise de la dette en Europe n’a pas seulement inquiété les obligataires, les turbulences se sont également étendues aux actions et même aux hedge funds. En 2011, les pertes subies par les hedge funds ont pratiquement égalé celles des actions et, par rapport à 2008, ils ont moins bien compensé les pertes sur les marchés des actions et des matières premières. Après la défaillance de la banque d’investissement Lehman, la crise du marché en 2008 a été caractérisée par des difficultés de trésorerie et l’effondrement des prix des actions, des obligations d’entreprises et des matières premières. Une partie des hedge funds, à savoir les Trend Followers, a enregistré des gains record à l’époque et compensé au moins en partie les pertes subies par les fonds de hedge funds diversifiés.
L’année 2008 a été apocalyptique et traumatisante pour les marchés financiers. Il leur a fallu quelque temps pour digérer les mauvaises nouvelles de l’époque et les Trend Followers en ont profité pour faire des bénéfices. L’an dernier a déjà été marqué par de fortes incertitudes et les opérateurs ont réagi avec nervosité aux nouvelles informations et plus particulièrement, en août, au risque de faillite de la Grèce et de contagion à d’autres pays européens. Cette incertitude généralisée s’est traduite par des fluctuations de prix erratiques des titres de créances, actions et même matières premières problématiques, raison pour laquelle les stratégies de négoce ont majoritairement engendré des pertes. Leurs effets de diversification généralement avantageux par rapport à d’autres stratégies de hedge funds et placements traditionnels sont restés inopérants. Les pertes des stratégies de Trading ont particulièrement affecté les investisseurs qui, après 2008, ont surtout misé, dans les placements alternatifs, sur les stratégies liquides de type CTA, qui ont d’ailleurs souvent été recommandées aux petits investisseurs, car elles étaient autorisées à la vente publique en Europe, en raison de leur forme juridique d’OPCVM.
Le modèle à 19 facteurs mis au point par la ZHAW montre clairement que même les fonds de hedge funds diversifiés ont enregistré des pertes en 2011. Les actions, et plus spécialement celles des marchés émergents, sont les principaux moteurs. Les actions ont perdu de leur valeur à l’échelle mondiale et celles des marchés émergents ont reculé d’environ 20%. Les prix des matières premières qui se sont également effondrés au deuxième semestre avec les craintes relatives à l’évolution conjoncturelle jouent un rôle presque aussi important. La plupart des hedge funds sont également sensibles aux pertes extrêmes des actions, parce qu’ils ont tendance à être exposés aux actions, qu’ils vendent plus d’options qu’ils n’en achètent et qu’ils possèdent des placements illiquides tels que les actions de petites capitalisations, des obligations d’entreprises ou des obligations convertibles. Les périodes d’effondrement extrême des actions se traduisent également par une diminution des liquidités et affectent donc tout particulièrement les stratégies de hedge funds. Ces observations s’appliquent aussi bien à la performance des Single Hedge Funds que des fonds de hedge funds. L’art de la sélection consiste toutefois à trouver les fonds qui sont moins exposés aux risques factoriels généraux et notamment aux risques de pertes extrêmes. Les modèles multifactoriels s’avèrent utiles à cet égard. De tels fonds neutres par rapport au marché ont toutefois un prix. Dans des périodes où les prix des actions montent, leur performance est moindre.
De façon générale, les stratégies directionnelles ont davantage souffert l’an dernier que les stratégies d’arbitrage non directionnelles. Les fonds en actions avec une forte position nette longue, les marchés émergents ou positions en petites capitalisations ont subi les plus fortes pertes. Bon nombre ont été surpris et déstabilisés par les baisses de cours en août 2011, ont réduit leurs quotes-parts en actions et n’ont donc pas non plus profité du redressement consécutif. Les stratégies d’arbitrage à revenu fixe ont, en revanche, enregistré des rendements positifs. Elles ont apparemment réussi à tirer profit des turbulences sur les marchés des titres de créances.
Toujours influencés par les expériences de 2008, de nombreux investisseurs misent sur des hedge funds liquides et réglementés. Ils ont globalement été déçus l’an dernier. Une part considérable des rendements des hedge funds a résulté des primes payées en échange du manque de liquidité. Les stratégies à revenu fixe qui ont notamment profité du besoin d’adaptation en relation avec la crise de la dette en sont l’exemple typique. La plupart des investisseurs ne peuvent toutefois participer à de tels investissements que par le biais des fonds de hedge funds.
Or, en raison de l’évolution rapide des conditions du marché, une allocation avisée des stratégies de hedge funds s’avère extrêmement difficile et seuls les gestionnaires spécialisés dans les hedge funds en ont les moyens. Tous les autres investisseurs ont tout intérêt à opter pour des fonds de hedge funds diversifiés, pour lesquels il existe aussi des informations et des classements publics.