Il existe des façons a priori moins évidentes d’investir dans le renouvelable. Comme de «miser sur des activités non vertes mais qui produisent du vert», selon la formule de Renaud Saleur, un gérant de hedge fund basé à Genève. Dans son fonds long/short sur l’énergie verte, le patron d’Anaconda Invest aime particulièrement le secteur parapétrolier. Mais pas pour une position short (qui parie sur la baisse des cours). Les entreprises qui fournissent des services au secteur pétrolier représentent environ 40% du portefeuille, car elles sont en voie de reconversion.

«L’éolien offshore est un marché très intéressant, car environ 19 000 éoliennes seront installées dans les mers du globe d’ici à 2030, ce qui représente une hausse de 30% par an, décrit Renaud Saleur, qui utilise l’analyse fondamentale et les signaux générés par des algorithmes pour sa gestion. L’installation d’éoliennes nécessite des bateaux et des moyens techniques semblables à ceux utilisés pour monter des plateformes pétrolières. Or seuls 16 bateaux dans le monde sont capables d’installer des éoliennes mais dix sont obsolètes ou le seront prochainement.»

Quasi-monopole

Deux sociétés cotées, le norvégien OHT et l’américain Eneti, possèdent la majorité des six navires pouvant installer les éoliennes actuelles de 12 mégawatts, qui pèsent dans les 600 tonnes pour une envergure de 120 mètres, poursuit l’ancien gérant de Soros et de Fidelity. Ces deux constructeurs navals, qui pèsent chacun 4% du fonds long/short, sont protégés de la concurrence car fabriquer un de ces bateaux prend 3 ans et coûte environ 400 millions de dollars.

«Or, ces deux sociétés et tout le secteur parapétrolier sont très sous-valorisés en bourse, à moins de 0,5% de la valeur des actifs nets le plus souvent, car ils sont associés au pétrole», observe encore le gérant qui supervise environ 80 millions d’euros dans quatre fonds. La pénurie de navires risque de s’intensifier avec la nouvelle génération d’éoliennes en mer, de 15 mégawatts, plus hautes que la tour Eiffel.

Recul du renouvelable depuis janvier

En 2020, le thème du renouvelable a connu des performances stellaires en bourse. L’indice S&P Global Clean Energy a ainsi gagné 138%. Puis le secteur a souffert depuis le début de l’année, le même indice perdant plus de 12%. La hausse du rendement des obligations américaines à long terme et le fait que les plans de relance verts prennent du temps à se matérialiser ont poussé les investisseurs à prendre leurs profits de manière indiscriminée, écrit Renaud Saleur dans la documentation de ses fonds. Le fonds long/short d’Anaconda a reculé de 9% cette année, après avoir gagné 60% entre son lancement début juillet 2020 et fin décembre.

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Cette vision «du non-vert qui produit du vert» se retrouve dans une autre position d’Anaconda, Aker Solutions. Fin août 2020, le groupe industriel norvégien a introduit deux de ses filiales en bourse, qui représentaient environ 50% de son activité. Leurs cours ont doublé en quelques semaines et étaient quatre fois plus élevés début janvier. Pourquoi? «Parce que le spin-off a mis en valeur les activités de ces filiales, dans l’éolien offshore et dans la capture de CO2, analyse Renaud Saleur. Ce sont des moyennes capitalisations, l’effet a donc été très fort sur le cours de bourse. Comme Aker Solutions fournit des services à ses filiales, les investisseurs ont aussi compris que le renouvelable était important pour le groupe.» Après avoir baissé en prévision du spin-off, l’action Aker Solutions a retrouvé son niveau pré-séparation des filiales.