Presque trois fois plus. En 2017, les start-up actives dans la fintech ont levé 151 millions de francs, contre 61 millions l’année précédente. C’est ce que révèle un rapport publié cette semaine par Swisscom, son think tank E-foresight et l’Institut pour les services financiers de Zoug (IFZ). Le nombre de tours de table s’est élevé à 48 au total.

A cette cagnotte record s’ajoutent les ICO (initial coin offerings), ces levées de fonds à mi-chemin entre le crowdfunding et l’entrée en bourse, qui se sont multipliées depuis l’an dernier à travers le monde. La Suisse fait partie des destinations les plus prisées de ce nouveau type de financement, avec un montant total dépassant les 283 millions en 2017, récoltés par sept fintechs. La plus importante ICO, celle de Bancor, qui permet d’échanger des cryptomonnaies, a atteint 151 millions de francs.

Un secteur mainstream

Des développements qui ne surprennent pas Thomas Brändle, cofondateur de l’association des start-up suisses de la finance. Ce secteur n’est plus un phénomène de mode, selon lui, c’est devenu mainstream et tout le monde doit s’y intéresser. «Nous ne parlons plus de banque et de fintech comme de deux industries séparées», explique celui qui a lancé et dirige Run my Accounts, qui permet de gérer la comptabilité des PME et des start-up.

Les cryptomonnaies et la blockchain attirent le plus (37% des fonds investis), suivies par l’investissement et la gestion d’actifs (19%) et la recherche liée aux données (15%). «L’importance des cryptos ne nous a pas étonnés, on voit bien à quel point tout le monde s’y intéresse et en particulier dans la Crypto Valley de Zoug, où l’environnement et la régulation attirent toujours plus d’activités. Cette tendance va continuer», estime Manuela Disch, auteure du rapport et consultante chez Swisscom.

Genève et Lausanne distancées

C’est aussi le développement de ces activités qui a changé la carte du financement de la fintech suisse. Cette dernière a toujours été plus développée autour de Zurich et de Zoug, mais l’écart se creuse. L’an dernier, les deux cantons alémaniques ont récolté respectivement 58,5 millions et 32,7 millions, alors que Vaud et Genève se sont limités à 8,5 et 5,7 millions. Même Saint-Gall rivalise avec les deux cantons romands puisque ses fintechs ont touché 7,5 millions.

Au total, selon le dernier recensement de Swisscom en mai, la Suisse compte 232 start-up actives dans la fintech. L’investissement et la gestion d’actifs est le sous-groupe le plus important, avec 65 entités, suivi du crowdfunding (47), puis des cryptos (34).

Poursuite de la croissance

Un sondage effectué ces dernières semaines montre que les fondateurs de start-up estiment que la période actuelle est propice pour créer une entreprise ou chercher des financements. D’autant plus que les sources ne sont pas près de se tarir, selon les experts de Swisscom, qui tablent sur une poursuite de la croissance des fonds cette année. Pas plus tard que vendredi, plusieurs entreprises, dont Helvetia, Ringier (copropriétaire du Temps) et Investis ont d’ailleurs annoncé qu'ils avaient investi dans Flatfox, une fintech spécialisée dans l’immobilier. Sans toutefois dévoiler le montant accordé.

En outre, «les investisseurs, qui sont pour la plupart locaux, sont de plus en plus enclins à investir des montants importants. Ils sont davantage prêts à prendre des risques», explique encore Manuela Disch. Elle se base notamment sur la taille des transactions réalisées en 2017, dont 11 ont dépassé les 5 millions, alors qu’il y avait eu seulement deux transactions de cette valeur en 2016. La tendance risque aussi de continuer pour les ICO, mentionne encore le rapport, citant celle de SwissBorg, qui a obtenu 50 millions au début de cette année pour son projet de gestion de cryptofortune.

L’industrie de l’assurance est en soi un peu plus prudente

Thomas Brändle, cofondateur de l’association des start-up suisses de la finance

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Reste l’assurance, un peu à la traîne puisque les «insurtechs» n’ont obtenu que 5% des fonds levés en 2017. «L’industrie de l’assurance est en soi un peu plus prudente. Et il n’y a pas que les fournisseurs qui sont lents à adapter leur offre, les clients prennent aussi du temps à les adopter», explique encore Thomas Brändle. Il estime que les gens sont plus susceptibles de tester une nouvelle technologie pour le paiement que de changer leur routine quand il s’agit d’assurance. Ce qui n’empêche pas cette industrie d’offrir «un potentiel énorme».