L’accès aux marchés financiers étrangers, et européens en particulier, est un thème qui préoccupe les banquiers, les diplomates et les hommes politiques suisses depuis 8 ans. Ce n’est donc pas un hasard si un représentant de chaque camp était invité vendredi à l’Université de Genève pour en débattre. Une table ronde qui avait été organisée pour marquer le lancement d’une nouvelle formation («Certificate of Advanced Studies») en régulation financière.

A droite donc, Yves Nidegger, avocat de formation et conseiller national UDC (GE). A gauche, Jacques de Watteville, secrétaire d’État aux questions financières internationales, et Patrick Odier, associé au sein de la banque Lombard Odier et président de l’Association Suisse des Banquiers (poste qu’il occupe depuis 2009 et auquel il a annoncé lundi qu’il ne se représenterait pas).

Les trois orateurs ont commencé par présenter leurs points de vue avant de répondre aux questions du public. Ils se sont tous accordés sur l’importance de la place financière pour l’économie suisse ainsi que sur la nécessité de pouvoir garantir aux banques du cru un accès aux marchés financiers étrangers. «C’est le seul moyen de maintenir les activités bancaires, les places de travail, le savoir-faire et les recettes fiscales en Suisse», a martelé Jacques de Watteville, tout en rappelant que la gestion transfrontalière, dont 40% proviennent d’Europe occidentale, représentait 2400 milliards de francs en 2014.

«Tout dépend de l’avenir que nous voulons»

Là où les divergences sont apparues, en revanche, c’est au moment d’évoquer la perspective de parvenir à un accord global avec l’Union européenne sur les services financiers. Un accord pour lesquelles les discussions sont suspendues en attendant d’éventuelles avancées sur le front de la libre circulation des personnes mis à mal par le référendum du 9 février 2014.

Pour Jacques de Watteville et Patrick Odier, un tel accord permettrait d’éviter que les banques suisses ne délocalisent des emplois vers les pays européens. Pour Yves Nidegger, en revanche, le prix à payer serait beaucoup trop élevé puisque cela reviendrait à reprendre de manière automatique les réglementations européennes, présentes mais aussi futures, sans pour autant participer au processus de décision. «Nous risquons ainsi de remettre en cause notre cadre législatif qui fait la force de notre économie», a déclaré l’élu UDC.

Ce à quoi le diplomate a rétorqué: «Tout dépend de ce que nous voulons pour l’avenir de notre place financière. Si nous voulons garder 250 à 300 établissements, alors nous avons besoin de pouvoir accéder à la clientèle étrangère. Dans le cas contraire, nous pourrons diviser par quatre le nombre d’emplois bancaires qui s’élève à 200 000 aujourd’hui.»

Pour obtenir le soutien des hommes politiques et de la population en faveur d’un tel accord, la place financière devra commencer par être unie, a souligné de son côté le Professeur Urs Zulauf, directeur de la nouvelle formation présent dans la salle. Ce dont ne doute pas Jacques de Watteville. Selon lui, trois quarts des banques suisses, en termes de poids économique, ont absolument besoin d’un accès aux marchés étrangers. Quant à Patrick Odier, il a rappelé que le soutien de la place financière pour l’échange automatique d’informations avait lui aussi été loin d’être acquis. «Si l’on m’avait dit en 2009 que j’allais réussir à imposer l’échange automatique en seulement 4 mois, je ne l’aurais jamais cru», a-t-il souligné. Une chose est sûre aujourd’hui: Partrick Odier ne sera plus président de l’ASB au moment de la signature, ou non, d’un accord sur les services financiers avec l’Union européenne.