Les pièces du puzzle helvétique qui doivent conduire le pays à devenir au moins «largement conforme «aux règles de l’OCDE sur la transparence fiscale se mettent en place.

Le Conseil fédéral est pressé de montrer patte blanche avant «l’examen par les pairs «qui aura lieu en juin 2016 devant le Forum global pour la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales (Forum mondial). Le gouvernement a donc présenté mercredi un projet de loi qui introduit l’échange automatique de renseignements fiscaux (EAR) avec l’Australie. C’est le premier d’une série que le Forum mondial, émanation de l’OCDE, exige longue.

Le fait que l’accord EAR avec l’Australie soit présenté avant ceux, nettement plus importants, touchant l’Union européenne (UE), voire Singapour ou Hong Kong, places financières concurrentes de la Suisse, déplaît à economiesuisse, à l’Association suisse des banquiers, et aux gérants de fortune. Ces organisations l’ont dit clairement durant la procédure de consultation. Quant à l’UDC et à l’Union suisse des arts et métiers, ils s’opposent catégoriquement à la signature d’accords EAR.

Les données bancaires de clients étrangers seront envoyées au fisc dès 2018.

Le Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales (SFI) indique que plusieurs accords EAR sont actuellement en négociation mais se refuse à dire avec quels pays. Il apparaît cependant que l’accord avec l’UE, touchant d’un coup 28 pays, est déjà sous toit et devrait faire l’objet d’un projet de loi avant la fin de l’année.

La Suisse n’est plus sur la liste noire de l’OCDE. Elle se situe en zone gris clair après avoir passé le test de conformité de sa législation d’entraide fiscale avec le standard voulu par le Forum mondial. L’examen de juin prochain, plus délicat, portera non plus sur l’état de la législation, d’ailleurs pas encore entièrement ratifiée, mais sur sa mise en pratique et son efficacité. Le fait que la Suisse refuse d’exploiter des données bancaires volées posera sans doute problème.

Loi-cadre pas encore approuvée

Le Conseil fédéral presse le mouvement puisqu’il soumet au parlement un projet de loi EAR concret avec l’Australie, alors que la loi-cadre qui doit chapeauter tous les accords EAR n’est pas encore approuvée par les Chambres fédérales. Le Conseil des Etats, en tant que deuxième chambre, empoignera le dossier le 2 décembre. Certains allègements des sanctions et du délai de prescription de la fraude fiscale, approuvés par le Conseil national cet automne par 119 voix contre 52 en vote final, sont remis en question par la commission ad hoc de l’économie et des redevances du Conseil des Etats.

La Suisse est encore classée en tête du classement de l’opacité fiscale réalisé par l’association britannique Tax Justice Network (TJN). Elle pâtit d’un facteur multiplicateur en raison de l’importance de ses services financiers. Sans cette pondération elle figurerait au 24e rang sur 92. Les places financières de Hong Kong et Singapour (deuxième et quatrième rangs au classement TJN) ont admis le principe des EAR, mais pas encore signé l’accord multilatéral du Forum mondial. Elles représentent 8,9% du secteur financier mondial, contre 5,6% pour la Suisse.

A noter que les Etats-Unis, très exigeants sur la transparence fiscale de leurs citoyens via l’accord FATCA, figurent au 3e rang du classement TJN car ils sont nettement moins regardants quant à la fiscalisation des fonds étrangers déposés sur sol américain.

L’accord EAR avec l’Australie devrait entrer en vigueur dès 2017 et être appliqué concrètement dès 2018, conformément à l’engagement général de la Suisse pris en octobre 2014.