Les hedge funds sont réputés opaques, chers, voire immoraux, et leur contre-performance récente a relancé le débat de leur raison d’être. Bien entendu, la situation macroéconomique actuelle extrêmement complexe et incertaine explique une partie de leurs déboires. Comment faire des investissements profitables dans des marchés dont les règles ne cessent de changer sous la pression du monde politique? Néanmoins, le contexte économique n’explique pas tout. L’aversion au risque et les divers biais comportementaux amplifient une situation déjà difficile en favorisant une sélection non optimale non seulement des gérants, mais aussi des investissements faits par ceux-ci.

Qu’est-ce que le risque? Dans le monde de la finance, le risque d’un actif se mesure principalement par la volatilité implicite des options de cet actif. Les stratégies d’investissement basées sur la volatilité peuvent être typiquement classées comme ayant un but soit de protection (avec coût), soit de rendement absolu. Il est frappant de constater qu’avant la crise de 2008, les investisseurs favorisaient principalement les dernières, alors que le niveau de la volatilité, et donc l’espérance de gain, était bas, tandis qu’après 2008, ils préféraient les stratégies de protection malgré une volatilité élevée et donc un coût prohibitif. Il y a évidemment un effet de retour. C’est l’engouement des investisseurs qui a créé des conditions défavorables pour les stratégies qu’ils poursuivaient. Ce biais de sélection négative est visible dans le parcours de certains hedge funds qui, ayant acheté de la volatilité avant la crise, ont eu d’excellents rendements en 2008, augmenté leur taille à la suite de leur succès, avant d’essuyer de lourdes pertes en 2009.

Ces biais comportementaux influencent non seulement l’évolution des stratégies de volatilité et des hedge funds qui les emploient, mais aussi, plus largement, le processus de sélection des hedge funds, tous styles confondus.

Le but des hedge funds devrait être de fournir des rendements décorrélés des principales classes d’actifs (actions, obligations…), et même, dans une interprétation plus restrictive, des primes de risques traditionnelles (prime de volatilité implicite, prime de crédit), grâce à une gestion active du portefeuille. En réalité, beaucoup d’investisseurs désirent, de manière peu réaliste, obtenir des rendements similaires aux grandes classes d’actifs, en particulier les actions, dans les bonnes années, tout en conservant des performances faiblement positives dans les mauvaises années. En résumé, beaucoup d’investisseurs souhaitent posséder un call sur le marché avec une prime négative, c’est-à-dire qu’ils encaissent. Ils souhaitent également une volatilité de leur portefeuille modérée, une transparence accrue et si possible totale sur le portefeuille du gérant, et finalement des frais de gestion réduits.

Mises bout à bout, ces demandes conduisent à une politique d’investissement défavorable et à un biais de sélection négative. Un investissement rentable et peu volatil est souvent assimilable à la vente d’une option «hors de la monnaie», c’est-à-dire une situation asymétrique dans laquelle il y a une probabilité forte d’un faible gain, et inversement, une probabilité faible d’une grande perte.

* Directeur, Dominicé & Co Asset Management

Ces demandes conduisent à une politique d’investissement défavorable