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L’effondrement du mythe keynésien

Au prétexte de tenter de sauver leurs économies de la déflation qu’elles-mêmes provoquent, les banques centrales ne trouvent rien de mieux que d’alternativement détruire la valeur de leur monnaie. Ce qui aboutira, hélas, à ce qu’elles prétendent éviter…

L’effondrement du mythe keynésien

Au prétexte de tenter de sauver leurs économies de la déflation qu’elles-mêmes provoquent, les banques centrales ne trouvent rien de mieux que de détruire la valeur de leur monnaie. Ce qui aboutira, hélas, à ce qu’elles prétendent éviter…

La déflation/récession mondiale actuelle a deux causes principales:

1/le libre-échange mondialisé sans frontières ni protections douanières se traduisant, via la mise en compétition ouverte de tous les facteurs de production, dans un contexte d’instabilité extrême des monnaies, par la baisse globale des prix des biens et des salaires. Et par une surproduction massive inutile de la plupart des marchandises et des matières premières (pétrole par exemple), pesant aussi sur les prix parce qu’allant bien au-delà des besoins des consommateurs. Ce que le Prix Nobel d’économie Maurice Allais avait anticipé, pour lequel le problème n’était pas vraiment le libre-échange mais les conditions impossibles dans lesquelles il a été organisé depuis la fin de l’étalon-or et/ou de la libre convertibilité du dollar en or;

2/les politiques de centralisme monétaire keynésiennes ultra-expansionnistes des banques centrales. Dans la mesure où, plus elles créent ex nihilo de monnaie et de crédit et plus elles baissent leurs taux d’intérêt à court terme à des niveaux voisins de zéro ou négatifs, plus elles engendrent une allocation erronée des ressources de la part des agents économiques qu’elles entretiennent dans l’illusion monétaire. Dont le résultat final est que les producteurs auront inutilement consommé (gaspillé) des ressources rares (avec les conséquences écologiques négatives correspondantes) afin de produire des biens en excès pour lesquels il n’existe pas de demande durable. Que les investisseurs auront investi dans des placements spéculatifs stériles non générateurs de croissance future. Que les populations réduites au chômage de masse et à la paupérisation cesseront de travailler et de consommer (surtout si elles sont écrasées d’impôts). Et, enfin, que les bilans pourris desdites banques centrales et les dettes des Etats exploseront à la hausse, pendant que la monnaie et le crédit, faute de servir à la consommation et aux investissements productifs, iront se perdre dans la «trappe à liquidités», via la chute du multiplicateur de crédit et de la vitesse de circulation de la monnaie. D’où la destruction de la confiance des agents économiques, sans laquelle il n’y a pas de croissance réelle et durable possible, et le discrédit de la plupart des politiciens actuels ne comprenant rien à ces phénomènes.

Les Etats-Unis ont finalement cessé leur «QE» (d’où la remontée du dollar), mais ils n’ont pas encore entrepris de réduire le bilan hypertrophié de leur banque centrale et ne laissent toujours pas leurs taux d’intérêt à court terme se fixer en fonction de l’offre et de la demande. Quant à l’Europe et au Japon, ils poursuivent dans l’erreur, au prétexte de tenter de sauver leurs économies, mais en détruisant la valeur de leurs monnaies, l’euro et le yen, dont il est à craindre l’effondrement final (en cas de cassure à la hausse de 125 pour le dollar/yen et de cassure à la baisse de 1,22 pour l’euro/dollar) sur les décombres desquelles rien de positif ne se produira. Si les gouvernements concernés, faute de supprimer les banques centrales dont l’échec est total et de réformer le système commercial et monétaire international dans le sens du rétablissement des «grands équilibres», ne suspendent pas Mario Draghi et Haruhiko Kuroda de leurs fonctions à la tête de la Banque centrale européenne et de la Banque du Japon, les Etats-Unis ayant eu quant à eux la chance que le mandat de Ben Bernanke à la tête de la Fed soit arrivé il y a quelques mois à son terme et qu’il soit remplacé par Janet Yellen plus modérée, les dégâts occasionnés par ces faux-monnayeurs seront irréparables.

Ce que Ludwig von Mises avait anticipé lorsqu’il écrivait: «Un boom d’expansion du crédit doit inévitablement conduire à un processus que le discours commun appelle dépression… La dépression n’étant en fait qu’un processus de réajustement, de remise en ligne des activités de production avec l’état réel des données du marché… Toute tentative de substituer des moyens fiduciaires à des biens capitaux inexistants est vouée à l’échec… Il n’y a aucun moyen de soutenir un boom économique résultant de l’expansion à crédit. Le résultat de l’expansion du crédit est un appauvrissement général.» D’où il concluait que «les crises économiques sont provoquées par les politiques monétaires expansionnistes des banques centrales».

Le «QE» aux Etats-Unis n’a pas servi à autre chose, indépendamment du financement bon marché de l’Etat (ainsi incité à accroître ses déficits), qu’au sauvetage artificiel et temporaire de banques qui, étant en trop grand nombre, mal capitalisées et peu rentables, ne prêtent plus à l’économie réelle, et bien sûr à la hausse (déstabilisatrice parce que productrice d’inégalités excessives) des marchés d’actions dans lesquels vont celles des liquidités qui ne restent pas bloquées dans la trappe éponyme. Il n’a pas sauvé l’économie américaine qui se trouve toujours en récession/déflation, ainsi qu’en témoigne la chute du multiplicateur de crédit et de la vitesse de circulation de la monnaie. Il ne marche pas non plus au Japon et ne marchera pas en Europe (dans laquelle la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle est rendue au surplus impossible par l’hétérogénéité des économies nationales).

Plus longtemps le libre-échange mondialisé dans l’instabilité des taux de change et les politiques de centralisme monétaire keynésiennes ultra-expansionnistes des banques centrales se poursuivront, plus l’aplatissement de la courbe des taux d’intérêt se développera faisant, in fine, passer les économies de la déflation/récession à la dépression pour le cas où la courbe des taux finirait par s’inverser (les taux longs à 10 ans se rapprochant de zéro, voire passant au-dessous, des taux courts). Tout simplement parce que les banques centrales, n’étant pas en mesure de produire la hausse généralisée des salaires, ont échoué à créer de l’inflation.

Dans le cadre de l’actuel effondrement keynésien, le meilleur investissement reste l’achat d’obligations d’Etat américain (et surtout pas «high yield» ou des entreprises) en dollars, comme le TLT ou le TMF. Ni l’or, ni les matières premières, ni les actions en général ne pourront performer (tant en termes de revenus que de gains en capital) aussi bien que le «fixed income» étatique américain dans un scénario d’aplatissement et même, éventuellement, d’inversion de la courbe des taux, comme de vieillissement des populations américaine, européenne et japonaise paupérisées.

* Président du Forum monétaire de Genève, gérant de fortune

«Il n’y a aucun moyen de soutenir un boom économique résultant de l’expansion à crédit»