La chronique des changes
L’euro en ligne de mire
Une nouvelle semaine, avec de longues réunions, s’annonce pour la Banque centrale européenne (BCE). L’an dernier, j’ai l’impression d’avoir écrit à mes lecteurs, toutes les semaines qui ont précédé les réunions de la BCE, que le moment était venu pour elle de passer à l’action, sinon nous verrions la confiance s’effriter. Soit parce que les investisseurs en actifs de la périphérie de l’Union européenne (UE) se mettraient alors en grève, soit parce que les pays de la périphérie de l’UE s’allieraient pour demander à la BCE d’interrompre les politiques de resserrement monétaire.
Après tout, les fondamentaux de la dette publique de l’UE, pour la majeure partie de la périphérie – de la Grèce au Portugal, en passant par l’Espagne et l’Italie – ont continué à empirer. L’Italie et la Grèce sont susceptibles de dégager des excédents budgétaires primaires (budget moins les coûts de financement de leur dette publique abyssale), mais le rapport dette/PIB continue sur sa lancée, et les enterre toujours plus profondément sous un amas de dettes. Et en ce qui concerne l’Espagne, pas plus tard que la semaine dernière, il est clairement apparu que le déficit budgétaire du pays pour l’année serait encore pire que les estimations – déjà revues à la baisse – et finirait probablement l’année à près de –7% du PIB.
Et pourtant, l’an passé, le marché a continué à acheter avec enthousiasme les dettes souveraines de l’Espagne et d’autres pays périphériques, comme si demain n’existait pas. Comment un investisseur sensé peut-il acheter des obligations espagnoles à 10 ans, qui rapportent 3,6%? Exprimées en euros d’aujourd’hui, elles ne seront jamais rentables. Mathématiquement, soit l’Espagne fera défaut au moins sur une partie de sa dette totale, en revoyant ses conditions ou en appliquant une réduction pure et simple, ou bien le pays prendra, en quelque sorte, congé de l’euro et dévaluera la dette en la convertissant en «nouvelles pesetas».
C’est soit cela, soit la BCE commence dès maintenant à imprimer beaucoup plus de billets tout en achetant de la dette espagnole, afin qu’elle finisse par se résorber (ou par être revendue au public, une fois l’inflation stabilisée et la dette considérablement dévaluée).
Cette nouvelle semaine de longues réunions de la BCE m’amène, avec d’autres, à dire avec inquiétude que le statu quo de l’UE correspond, ni plus ni moins, à l’histoire du garçon qui crie au loup. Je soupçonne, cependant, que le retour de vives préoccupations concernant la Grèce et la réunion de la BCE, cette semaine, pourraient finalement inciter le marché à analyser son extrême complaisance vis-à-vis du thème global de l’euro et de l’UE. Récemment, le marché a utilisé l’euro comme une sorte de valeur refuge, en renchérissant lorsque les chiffres des Etats-Unis étaient faibles, et que le goût du risque sur les marchés d’actifs s’affolait. Ce comportement a commencé à changer la semaine dernière, et je pressens que d’autres moments intéressants vont suivre. L’euro semble très cher actuellement, et je ne serais pas étonné que l’on provoque bientôt sa baisse. Et peu importe si Mario Draghi se contente, une fois de plus, de souffler de l’air plus chaud lors de sa conférence de jeudi, ou qu’il annonce une nouvelle réduction de taux, ou d’autres mesures d’assouplissement de politique.
* Analyste et stratège en devises auprès de Saxo Bank