Contrairement à l’année passée, la monnaie unique a fortement souffert durant les mois d’été. La faute principalement à un contexte géopolitique tumultueux, notamment les fortes incertitudes générées par la guerre commerciale initiée par Donald Trump contre les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis, ainsi qu’à des tensions persistantes entre les pays membres de l’Union européenne (UE). La Banque centrale européenne (BCE) a également sa part de responsabilité puisque sa prudence estivale a forcé les investisseurs à ajuster leurs anticipations quant à la date de la première hausse de son principal taux d’intérêt. Dans un tel environnement, il n’a pas fallu longtemps aux investisseurs pour se tourner rapidement vers le billet vert et les monnaies refuges comme le franc et le yen.
A l’aube de l’été, la monnaie européenne cotait encore 1,24 dollar, contre un peu plus de 1,13 dollar mercredi dernier, soit une dépréciation de presque 9% en l’espace de quatre mois. Bien que cet affaiblissement de l’euro puisse être imputé à la volonté du gouvernement états-unien de redéfinir ses principales relations commerciales, les vraies raisons de la dépréciation de l’euro, et donc du retour de l’EUR/CHF en dessous de 1,13, sont à chercher à l’intérieur même de l’Union. En effet, il est tentant d’attribuer tous les malheurs de l’euro au capricieux président américain; cependant, l’UE a suffisamment de problèmes endogènes qui suffisent à justifier une telle réaction des marchés.
En effet, il semble loin le temps où la victoire d’Emmanuel Macron, couplée à un optimisme réjoui quant à la fin annoncée des mesures d’assouplissement monétaire, suffisait à faire oublier aux investisseurs la multitude de questions encore sans réponse. Passé le choc de l’arrivée au pouvoir d’une alliance populiste en Italie, les marchés avaient rapidement estimé que les revendications du gouvernement de Giuseppe Conte allaient rapidement s’estomper.
Effectivement, cela n’aurait pas été une surprise qu’un gouvernement rechigne à mettre en place les réformes promises. Cependant, il semblerait que Giuseppe Conte, Luigi Di Maio et Matteo Salvini aient à cœur de tenir leurs promesses de campagne, notamment concernant la gestion des flux migratoires, dont l’Italie supporte une part importante, et la relance de la croissance via une politique fiscale expansionniste.
Concernant ce dernier point, il semblerait que le gouvernement italien ait finalement mis de l’eau dans son vin, puisque le ministre des Finances, Giovanni Tria, a assuré que le prochain budget du pays serait compatible avec les règles de l’UE et que le déficit ne dépasserait pas les fameux 3% du produit intérieur brut. Cependant, le fond semble rester inchangé, car Matteo Salvini a confirmé que le gouvernement était déterminé à aller de l’avant avec les réductions d’impôts et la réforme des pensions notamment.
Au vu de l’envolée des taux d’emprunt italiens – le taux à deux ans a franchi la barre des 1,30%, alors que celui à dix ans a brièvement dépassé 3,16%, le plus haut niveau depuis mai 2014 –, les investisseurs ne semblent pas emballés par de tels projets expansionnistes. Bien qu’il reste difficile, voire impossible, de savoir si le gouvernement de Giuseppe Conte délivrera ce qui a été promis, il y a fort à parier que le peuple italien doive se contenter d’une version édulcorée.
Après la débâcle de la gestion de la crise de la dette grecque, le gouvernement essaiera à tout prix d’éviter un scénario similaire en Italie. En effet, officiellement la Grèce n’est plus sous tutelle financière mais doit rembourser une dette colossale alors que son économie est en miettes. De plus, le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, qui laisse un trou d’environ 6 milliards d’euros dans les comptes européens, garantit des négociations à sens unique avec Bruxelles.
Dans un tel contexte, il semble plus probable que le gouvernement de Giuseppe Conte mise sur une approche plus prudente vis-à-vis de Bruxelles, ce qui pourrait également l’aider à obtenir les faveurs du président de la BCE, Mario Draghi, concernant une éventuelle accélération des achats d’obligations italiennes dans le cadre de son plan de quantitative easing (QE). Dans l’immédiat, l’incertitude est encore trop élevée pour que les investisseurs tournent le dos à la sécurité offerte par la monnaie helvétique. Cependant, sur le moyen terme, la réduction du QE par la BCE va inexorablement jouer en faveur de la monnaie unique. La patience reste donc de mise.