En fonction de ses positions sur les marchés, Tom Hayes cherchait à influencer les banques, en leur demandant d’augmenter ou baisser le taux qu’elles soumettaient. Les courtiers, qui parlent quotidiennement à des dizaines de traders des banques, étaient idéalement placés pour faire passer son message. Pour cette première journée d’audience, le procureur, Mukul Chawla, a montré de nombreuses conversations par messagerie électronique, dans lesquelles Tom Hayes et ses protagonistes se mettent d’accord pour modifier à la marge le niveau du Libor. «C’était un système corrompu», accuse-t-il.Toujours selon le procureur, Tom Hayes rendait la pareille en effectuant des transactions financières «blanches», qui généraient des commissions pour les maisons de courtage. Il passait un ordre d’achat ou de vente, mais trouvait dans le même temps une autre banque qui passait l’exacte commande inverse. Les deux transactions s’annulaient, mais les courtiers empochaient les frais.Ces faux ordres pouvaient parfois représenter d’énormes volumes. Au plus fort de la crise financière, entre 2008 et 2009, ils ont assuré 36% des commissions empochées par RP Martin, et 35% pour Tullett Prebon, affirme le procureur. Le procès doit durer au moins trois mois. n Eric Albert, Londres
Libor: procès d’un réseau mondial
Six courtiers comparaissent dans le scandale de manipulation du taux Libor
L’air grave et tendu, s’adressant à peine un regard, les six accusés sont assis dans le box en verre de la salle d’audience numéro 2 du tribunal de Southwark, dans le sud de Londres. Leur procès, qui a débuté ce mardi, est au cœur d’un des scandales financiers les plus retentissants de ces dernières années: celui du Libor. Selon le procureur, les six courtiers étaient les «assistants enthousiastes» de la manipulation à grande échelle de ce taux d’intérêt de référence, qui mesure le niveau auquel les banques se prêtent entre elles.L’homme clé qui a organisé la manipulation était Tom Hayes, un ancien banquier d’UBS entre 2006 et 2009, puis de Citigroup jusqu’en 2010. Le 3 août, ce chef d’orchestre de la tromperie a été condamné à 14 ans de prison, peine dont il fait actuellement appel. Le second procès, qui vient de commencer, concerne ses complices. Il met à jour le réseau mondial qui avait été tissé dans cette manipulation, impliquant cette fois-ci trois banques – UBS, HSBC et Rabobank – et trois maisons de courtage – ICAP, RP Martin et Tullett Prebon. Les protagonistes étaient notamment basés à Tokyo, Londres et à Auckland.Les six traders accusés dans ce procès travaillaient pour les trois maisons de courtage. Leur travail était d’exécuter les ordres d’achat ou de vente passés par les grandes banques. A ce titre, ils étaient en contact avec de nombreux grands établissements financiers. Selon l’accusation, Tom Hayes les a utilisés comme «entremetteurs» entre les différentes banques. Pour comprendre la tricherie, il faut expliquer comment fonctionnait le Libor. Chaque jour à 11h00, heure londonienne, 16 banques soumettaient le taux interbancaire qu’elles pratiquaient ce jour-là. Une moyenne pondérée était ensuite réalisée.
«Un système corrompu»