Responsable Marketing & Sales, Avadis Prévoyance et AFIAA Fondation d’investissement
L’environnement économique soumet les caisses de pension à des défis toujours plus grands pour obtenir le rendement leur permettant de faire face à leurs engagements.
Les taux d’intérêt sont extrêmement bas, voire négatifs, alors même que les obligations sont la classe d’actifs généralement la plus représentée dans les portefeuilles, et la valorisation des actions est relativement élevée.
Dans ce cadre, les caisses de pension hésitent à augmenter leur allocation à ces classes d’actifs. Certaines ont même, depuis un certain temps déjà, abaissé leur allocation obligataire à la borne inférieure de leurs limites tactiques.
Elles souhaiteraient donc se tourner vers la troisième importante composante de leurs portefeuilles, l’immobilier. Les statistiques disponibles montrent qu’en moyenne elles y investissent 20% de leur fortune, mais il est très difficile d’augmenter cette part. Le marché est saturé et la concurrence entre acheteurs est féroce, d’autant plus que tous n’ont pas les mêmes contraintes et objectifs. Preuve en est l’achat récent par Swiss Life de l’immeuble d’UBS à la rue du Rhône, à Genève, dont il se dit que le prix générerait un rendement compris entre 3,5 et 4%.
La réduction du biais domestique entamée depuis longtemps pour les actions et les obligations n’a encore que peu touché l’immobilier. Les limites de placement de l’OPP2 permettent d’investir jusqu’à 30% de la fortune dans l’immobilier, dont un tiers à l’international, mais en réalité, ce ne sont que 1,2% en moyenne qui le sont (Office fédéral de la statistique). En comparaison, aux Pays-Bas, où le marché immobilier est restreint comme en Suisse, les fonds de pension investissent 57% de leur allocation immobilière à l’étranger (enquête «Investment Intention Survey» de l’Inrev).
Les investisseurs qui ont déjà franchi le pas l’ont fait bien sûr pour accéder à plus d’opportunités d’investissement, mais également pour des raisons de diversification géographique, ou encore pour s’exposer à des cycles économiques variés et décorrélés.
Les risques sont plus élevés ou, tout au moins, différents. Ils incluent, comme pour les autres classes d’actifs étrangères, le risque de change.
Selon Pascal Frei, associé de PPCmetrics SA, l’allocation à l’international des caisses qui ont une part importante en immobilier (25 à 30%) s’élève au maximum à 5%, alors que l’on pourrait aisément y consacrer jusqu’à 10% de la fortune. Il souligne également que le choix du benchmark est important. L’indice KGAST n’est pas un bon indicateur, étant essentiellement représentatif de l’immobilier résidentiel suisse, alors que les investissements à l’étranger sont principalement des immeubles commerciaux, plus liés aux cycles économiques et donc aux actions. Une comparaison avec l’EPRA Nareit, indice international des sociétés immobilières cotées, serait plus judicieuse; néanmoins celui-ci est plus affecté par les fluctuations boursières et il ne faudrait en retenir que la tendance à long terme.
Compte tenu des risques et des besoins de diversification, il est peu probable qu’une caisse de pension se risque à investir directement dans des immeubles à l’étranger. Elle préférera se tourner vers des véhicules de placement collectifs.
Les fonds d’investissement étrangers cotés (principalement des Reits, Real Estate Investment Trusts), sont soumis à la volatilité des marchés d’actions, ce qui ne correspond pas au but recherché. De plus, ils utilisent parfois un important effet de levier. Il existe également des fonds non cotés, sous la dénomination de Private Real Estate. Structurés comme des fonds de Private Equity, ils ont une période d’investissement et une échéance. Le but recherché par le gérant n’est donc pas un rendement stable à long terme, mais une rentabilité optimale sur une période fixée. Ces fonds investissent ainsi avec un objectif de plus-value sur investissement.
Enfin, il existe, comme pour les autres classes d’actifs, des instruments dédiés et réservés aux caisses de pension suisses, à savoir les fondations d’investissement. Réunissant des investisseurs ayant les mêmes contraintes et objectifs, les fondations de placement sont plus à même de remplir les objectifs recherchés. Peu nombreuses encore sur cette classe d’actifs, elles rencontrent un intérêt croissant de la part des investisseurs.
Une gestion immobilière internationale diversifiée demande une structure lourde. En effet, il est impératif d’être présent au plus proche des opportunités d’investissement. Il faut faire partie du cercle des investisseurs locaux et ne pas être vu comme un investisseur étranger, à qui l’on peut proposer des biens dont les investisseurs domestiques ne veulent pas. Une telle structure est relativement coûteuse, les frais payés par l’investisseur pour accéder à cette classe d’actifs sont donc plus élevés que pour la gestion immobilière suisse.
En conclusion, Pascal Frei souligne que l’immobilier international doit être vu comme un complément et non un substitut à l’immobilier suisse. Les coûts supérieurs pour y accéder devraient être compensés par un rendement supplémentaire.
Aux Pays-Bas, où le marché est restreint comme en Suisse, les fonds de pension investissent 57% de leur allocation immobilière à l’étranger