Baisses d’impôts, incitations aux multinationales américaines à rapatrier leurs activités au pays, soutiens aux exportations, pénalités sur les importations… Le nouveau président américain Donald Trump doit encore préciser sa politique en matière de fiscalité des entreprises, mais son manifeste électoral a déjà montré la couleur. En attendant, les investisseurs, tant américains qu’étrangers, sont unanimes sur un point: le paysage fiscal mondial pourrait connaître un bouleversement ces prochains mois.

Aux Etats-Unis, la National Association of Manufacturers (NAM) qui défend les intérêts des 252 000 entreprises dont les trois quarts emploient moins de 20 personnes, attend les nouvelles règles avec impatience. «Notre régime fiscal, avec un taux d’imposition très élevé et des règles internationales dépassées, a créé un environnement incertain qui mine notre capacité à faire face à la concurrence et à gagner des parts sur le marché international», clame l’association sur son site internet.

Protectionnisme

La NAM implore aussi Donald Trump de créer des conditions favorables afin d’attirer les investissements étrangers et d’inciter les multinationales américaines à produire au pays. Le président Trump a déjà confirmé son intention de mettre en place un plan de relance grâce à d’importants investissements dans les infrastructures.

Il projette non seulement de ramener le taux d’imposition des entreprises de 35% à 15%, mais il a aussi promis de taxer les bénéfices réalisés à l’étranger au taux unique de 10%. Cette mesure s’adresse aux multinationales américaines installées à l’étranger dans des pays fiscalement avantageux.

Surtout, le nouvel occupant de la Maison-Blanche a fait comprendre que les entreprises américaines qui produisent à l’étranger pour le marché américain devront payer une taxe d’entrée. Un plan qui, par sa philosophie, coïncide avec ceux de la majorité républicaine au Congrès. Elle rêve d’une refonte radicale du système fiscal qui avantagerait les exportateurs et pénaliserait les importateurs. Un système ruminé depuis quinze ans par des universitaires qui lui ont donné le nom barbare de «destination-based cash-flow tax».

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Aux yeux d’un haut fonctionnaire européen, grand connaisseur du dossier et qui tient à l’anonymat, le plan du nouveau président et de ses alliés risque de déclencher une guerre fiscale mondiale. Parce qu’il permettrait à Boeing, par exemple, de déduire de ses impôts tous ses avions vendus à l’étranger – un énorme avantage comparatif face à son rival Airbus.

«Endettement massif» en vue

«L’idée est qu’on paie les impôts au lieu de consommation, ajoute encore le diplomate. C’est une prime pour les pays qui consomment plus qu’ils ne produisent, comme les Etats-Unis. Et un malus pour les pays qui produisent plus qu’ils ne consomment à l’instar de la Suisse, l’Allemagne, le Japon, la Chine.» Il regrette que les Européens n’aient pour l’instant donné aucun signal d’opposition au modèle voulu par les Etats-Unis.

A l’IMD, haute école de management à Lausanne, Arturo Bris, professeur en Finance, est circonspect sur les promesses du président Trump. «Son projet de plan de relance conduira à un endettement massif alors même que le pays est déjà étranglé par les créances», explique-t-il.

Renchérissement du dollar

Arturo Bris fait encore ressortir que les promesses de Donald Trump conduisent déjà au renchérissement du dollar; cela va à l’encontre de son intention d’augmenter les exportations américaines. Le professeur exclut également l’idée que les Etats-Unis imposent des droits de douane punitifs sur les produits chinois, comme l’en a menacé Donald Trump. «Washington n’a pas les moyens d’engager une guerre commerciale contre la Chine», dit-il.

Autre opinion sceptique: Matt King, stratège auprès de la banque Citi, cité par le Financial Times de jeudi. Ce dernier fait ressortir que le taux d’imposition sur les sociétés pourrait certes être poussé vers le bas. En revanche, dans cette configuration, celles qui sont lourdement endettées seraient désavantagées. Et de nombreuses entreprises américaines sont dans cette situation.