Si les rétrocessions restent pour l’instant autorisées en Suisse, les choses risquent cependant d’évoluer sous l’influence de la législation européenne, en particulier de MiFID 2 (nouvelle mouture de la directive sur les marchés financiers), qui devrait inspirer la future loi sur les services financiers (LSFin) en préparation à Berne.
Tout dépend de l’évolution de MiFID 2
Les législateurs suisses n’ont toutefois pas attendu passivement l’impulsion de Bruxelles, comme l’explique Yvonne Lenoir Gehl, conseil auprès de BRP Bizzozero & Partners SA: «La révision de la LPCC, dans son article 20, n’interdit pas les rétrocessions ou des frais, mais exige plus de transparence, avec la mise à disposition de plus d’informations. De son côté, la Sfama (Swiss Funds & Asset Management) travaille à une révision de la directive concernant la transparence dans les commissions de gestion. Enfin, la nouvelle loi sur les placements financiers a donné lieu à un premier projet au printemps dernier, dans lequel deux voies sont possibles: soit une interdiction des rétrocessions et des frais de distribution, soit la transparence. La décision n’était pas encore prise, mais dépendait de l’évolution de la législation européenne, notamment de MiFID 2.»
Mais, justement, comment MiFID 2 est-elle en train d’évoluer? Nicolas Tschopp, de Pictet Asset Management, en décrit les débats contradictoires qui ont donné lieu à un accord de principe le 14 janvier dernier: «Tout au long du processus législatif, il y a eu un désaccord entre la commission, d’une part, et le conseil et le parlement, d’autre part; la première étant plus restrictive que les seconds. La discussion destinée à éliminer les divergences entre les trois autorités a abouti à la solution suivante. Lorsque l’intermédiaire financier se déclare «indépendant» – c’est-à-dire qu’il analyse pour ses clients un nombre important de produits disponibles sur le marché – il n’est pas autorisé à percevoir des rétrocessions. Si, en revanche, l’intermédiaire financier se déclare «restreint» – c’est-à-dire qu’il analyse uniquement un nombre limité de produits – il peut percevoir des rétrocessions pour ses activités de conseil mais pas de gestion discrétionnaire. Lorsque des rétrocessions sont perçues, le client doit en être informé. Le parlement devrait voter formellement le texte en février, avec une entrée en vigueur dans les pays de l’UE en 2016. On notera que cette réglementation est différente de la solution anglaise, qui n’interdit les rétrocessions que pour les activités de conseil et les autorise pour la gestion discrétionnaire. Par ailleurs les Pays-Bas vont introduire une interdiction complète pour l’ensemble des activités à compter du 1er janvier 2014.»
Des classes de partssans rétrocessions
Quelle que soit la forme que prendra MiFID 2, on peut raisonnablement compter sur des divergences d’interprétation au sein des différents Etats membres, comme c’est déjà le cas aujourd’hui avec l’Angleterre et les Pays-Bas, avec des interdictions partielles ou complètes. Pour les pays plus libéraux qui choisiront la transparence, si elle est encore possible, il n’est pas sûr que les rétrocessions puissent continuer à jouer un grand rôle. En effet, comme le déclare Alexandre Col: «Les pays où il y aura transparence opteront sans doute aussi pour des classes de parts sans rétrocessions, en raison de la charge administrative liée aux calculs et aux versements de ces commissions, et sous la demande des grandes banques.»
L’absence de rétrocessions devrait logiquement s’accompagner d’une baisse de la commission de gestion. Cette diminution dépendra sans aucun doute du rapport de force entre le promoteur et le distributeur. Il est donc imaginable que les plus grands acteurs du marché puissent finalement réduire leur commission de gestion dans une moins grande mesure que la part de rétrocessions versées auparavant.
La réglementation adoptée dans chaque pays – interdiction des rétrocessions ou seulement transparence – «entraîne les promoteurs à organiser leurs zones de ventes selon une répartition géographique, définissant des marchés cibles par rapport à d’autres», explique Yvonne Lenoir Gehl. Une autre question va se poser, poursuit l’experte: «La réglementation européenne – MiFID, AIFMD – va-t-elle s’appliquer en Suisse? Ce n’est pas le cas, car une réglementation européenne s’applique en Europe. En revanche, les nouvelles directives sont très claires sur un point: c’est le domicile du client qui compte. Si je conseille de Suisse un Français domicilié en France, je dois respecter MiFID et AIFMD.»