On signalera dans le domaine de la surveillance bancaire trois arrêts importants rendus par le Tribunal administratif fédéral.

Le premier (3 juillet 2018, A-3150/2016) traite de l’action en responsabilité introduite contre la Confédération par Oskar Holenweger et un autre des actionnaires de la banque Tempus suite à l’intervention de la Commission fédérale des banques (CFB) qui avait nommé un observateur à la banque. Celle-ci avait dû être vendue dans des circonstances à tout le moins difficiles du fait de la procédure pénale audacieusement ouverte par le Ministère public de la Confédération (MPC) contre Oskar Holenweger. Ce dernier se plaignait de l’intervention, trop rapide et énergique à son avis, de la CFB.

Pas pour protéger les actionnaires

L’arrêt du Tribunal pénal fédéral acquittant Oskar Holenweger est du 21 avril 2011 (SK.2010.13). On lira également l’arrêt de cette juridiction du 28 octobre 2016 (SK.2016.29) qui évoque les vicissitudes de certaines personnes ayant travaillé pour la CFB, vicissitudes auxquelles le TAF fait référence dans l’arrêt de 2018.

L’arrêt évoque de nombreuses questions. On se limitera à relever le cons. 11. L’ action en responsabilité est également rejetée puisque les règles en matière de surveillance ne sont pas là pour protéger les actionnaires des banques. Surtout lorsqu’ils peuvent, compte tenu des fonctions qu’ils exercent au sein de l’établissement, influencer son activité. La situation pourrait être différente en ce qui concerne une prétention de la banque elle-même. En pratique, il est très difficile de mettre en cause la responsabilité d’une autorité de surveillance, ce qui correspond à une tendance internationale.

Banque vs employé

Le deuxième arrêt (11 juin 2018, B-642/2016) concerne l’interdiction d’exercer une activité prononcée pour une durée de six mois par la Finma (art. 33 LFINMA) contre un cambiste actif chez UBS pour avoir prétendument tenu un comportement contraire aux intérêts des clients. Sur recours de l’intéressé, le TAF a cassé cette décision renvoyant la cause à la Finma.

Le cambiste soutenait notamment que rien ne pouvait lui être reproché au niveau des faits (cons. 2.3); or, sa responsabilité ne pouvait être mise en cause qu’en présence d’actions ou d’omissions précises qui lui étaient imputables et rentraient dans sa sphère de compétence (cons. 3.2). Pour décider si tel était le cas, il n’était pas possible à la Finma de se référer simplement à la décision rendue contre l’établissement (cons. 5.2 et 5.5). Selon le TAF, la Finma doit verser, dans la procédure menée contre des employés, les pièces du dossier qui concernent l’établissement dans la mesure où elles sont utiles pour la décision à rendre. Il s’agit en tous les cas de la nomination du chargé d’enquêtes, de son rapport et des échanges intervenus entre la Finma et l’établissement ainsi que d’éventuelles dépositions dans la mesure où elles sont pertinentes (cons 7.3).

L’arrêt évoque de façon détaillée les règles à respecter par la Finma lorsqu’elle mène diverses procédures dans le même contexte (cons. 5.1.1 ss). Quant à la sanction, le TAF rappelle que l’interdiction de travailler peut être prononcée également après la fin des rapports de travail. Le TAF confirme, de façon constante, mais à notre avis erronée, que les garanties de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en matière de procédure menant à des sanctions pénales ne doivent pas être respectées (cons. 4.2) pour prononcer cette mesure.

Cet arrêt illustre parfaitement le conflit d’intérêts qui peut exister entre un établissement et ses employés lorsque la Finma ouvre une procédure. La banque peut avoir la volonté de collaborer et, dans une certaine mesure, de reconnaître certaines responsabilités, pour apaiser les dieux. Les employés peuvent avoir une vision très différente et estimer que leur responsabilité individuelle n’est pas engagée surtout si leurs supérieurs étaient au courant.

Le CEO de la banque Frey blanchi

Enfin, un arrêt du 25 avril 2018 (B-3092/2016) concerne l’ex-directeur général de la banque Frey qui avait été l’objet d’une décision d’interdiction d’exercer pendant une durée de deux ans. Interdiction annulée par le TF (2C_739/2015) faute, pour la Finma, d’avoir démontré exactement quelles actions ou omissions imputables au recourant avaient violé gravement le droit de la surveillance. Statuant sur renvoi du TF, le TAF mettait définitivement à néant la sanction prononcée.

Le TAF relevait que la banque n’avait entrepris aucune démarche active aux Etats-Unis. De ce fait, la situation de la banque Frey se distinguait de celle de l’UBS dans la politique poursuivie (cons. 3.4.6) et il ne fallait pas apprécier le cas d’espèce avec le bénéfice de l’appréciation rétroactive. Ce d’autant plus qu’à l’époque des faits, l’acceptation d’avoirs de clients non fiscalisés n’était pas interdite (cons. 3.4.5).

Le droit suisse de la surveillance ne devait pas conduire à appliquer en Suisse des règles de droit étranger et la Finma ne devait pas modifier des principes du droit suisse par sa pratique en utilisant certains concepts flous du droit de la surveillance (gestion appropriée des risques). Certes, l’interdiction de travailler de l’art. 33 LFinma n’est pas une sanction de nature pénale au sens de la CEDH (cons. 2.2 ss) mais le TAF estime nécessaire de faire preuve de prudence avec le principe de légalité au moment de juger qu’un comportement mérite sanction (cons. 3.4.3); il n’est pas possible de simplement reprendre en la matière la pratique développée avec la garantie de l’activité irréprochable. Enfin, le TAF estime qu’une sanction à l’égard d’une personne physique n’était pas compatible avec la politique en matière d’enforcement de la Finma telle qu’annoncée par l’autorité (cons. 3.4.6.3).

Il est d’ailleurs clair que le TAF a, pour apprécier le cas d’espèce, tenu compte tant de l’attitude de la société d’audit que de celle de la Finma, qui étaient parfaitement au courant de la politique poursuivie par la banque et n’étaient pas intervenues (cons. 3.4.6.2). Ce dernier aspect étant important pour toutes les banques, lorsqu’elles sont mises en cause par la Finma, non pour avoir violé des règles mais pour avoir poursuivi une politique qui, in fine, s’est révélée malheureuse.