Au cœur des marchés
Lorsque les marchés jouent à se faire peur
Alors que l’année 2014 s’annonce comme un excellent cru pour la croissance mondiale, les marchés jouent à se faire peur et tout prétexte est bon pour prendre des bénéfices. Que se passe-t-il donc dans la tête des investisseurs?
Notons tout d’abord qu’en ce moment, la vaste majorité des économistes rectifient à la hausse leurs prévisions de croissance globale. Une des dernières révisions en date, et non des moindres, fut celle du Fonds monétaire international il y a deux semaines. De plus, et cela vaut en tout cas pour les pays développés, 2014 sera meilleure que 2013, 2012, voire que 2011. Pour la zone euro, ce sera même la première année de retour de croissance, après presque deux ans de récession.
Toutes ces bonnes nouvelles devraient soutenir les marchés. Or, il n’en est rien. Depuis le début de 2014, les bourses, au mieux, ne font que stagner. Mais, dans la plupart des cas, il s’agit bien de pertes significatives. Les plus spectaculaires ont lieu sur certains marchés émergents qui sont, de surcroît, confrontés à de véritables bourrasques sur leurs monnaies.
Nous sommes donc à un moment critique, qui voit le moteur principal ayant permis les performances exceptionnelles des bourses en 2013, soit la politique monétaire américaine ultra-laxiste, s’éteindre peu à peu. De plus, ce qui justifierait de continuer à privilégier les actions, c’est-à-dire de bien meilleures perspectives réelles pour les économies, n’est pas encore accepté comme nouvelle histoire sur les marchés.
Nous avions déjà eu un avant-goût d’une telle situation l’année passée, vers mai-juin, lorsque Ben Bernanke a fait l’annonce d’une diminution possible du programme d’assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale pour la rentrée. Les bourses avaient alors également connu une période de flottement. Et beaucoup de pays émergents avaient subi des mini-crises, notamment ceux dont les monnaies étaient particulièrement vulnérables à cause de balances de paiements courants déficitaires (Brésil, Inde, Indonésie, Afrique du Sud et Turquie).
Maintenant qu’a lieu la fin de l’assouplissement quantitatif, il n’est donc pas du tout surprenant que ces pays se retrouvent à nouveau en première ligne des inquiétudes des investisseurs.
«Janvier préfigure le reste de l’année» est un vieil adage boursier. Comme beaucoup d’autres de ces adages, il ne peut malheureusement pas être prouvé statistiquement. Cependant, il se pourrait bien que la nervosité continue encore un certain temps. En effet, tant qu’il ne sera pas accepté que la fin de l’argent facile de la Fed n’est pas la fin du monde, mais bien le début d’un retour à la normalité, les marchés continueront à se faire peur… Et, comme dit un autre adage, celui-ci de Warren Buffet, «soyez craintifs quand les autres sont avides. Soyez avides quand les autres sont craintifs».
* Chef économiste, UBS Wealth Management