Le marché paraît très hermétique aux événements économiques qui gravitent autour de lui. Il semble que rien ne trouble les marchés d’actions ou le marché des changes en ce moment, qu’il s’agisse des bénéfices considérables de la plupart des grandes entreprises, des risques inhérents au «précipice budgétaire» aux Etats-Unis ou encore des craintes quant à l’avenir de la zone euro. Dans les faits, cela s’est traduit par un net rebond de l’euro (EUR) au-dessus du seuil des 1.3000 face au dollar américain (USD) après que l’EUR/USD a récemment testé le support majeur de 1.2800. Nous avons également vu se resserrer les bandes de fluctuation journalières qui sont la marque de fabrique d’un environnement d’investissement complaisant.

Je surveille régulièrement une série «d’indicateurs de stress» du marché. Or, en début de semaine, ceux-ci montraient le plus faible niveau de volatilité sur le marché des changes depuis le début de la crise financière mondiale en 2008. Quant à l’Europe, le marché n’a jamais été aussi serein cette année à l’égard des pays de la périphérie. Le rendement des emprunts d’Etat italiens à dix ans a même atteint son plus faible niveau depuis près de deux ans, après l’accord de restructuration de la dette grecque la semaine dernière. Comment analyser tout cela? L’économie mondiale et l’Union européenne (UE) sont-elles en passe de sortir de la crise? Si c’est le cas, doit-on se réjouir ou est-ce le calme avant une nouvelle tempête?

Je dirais que les perspectives restent extrêmement incertaines. Néanmoins, intéressons-nous aux deux phénomènes qui contribuent à la complaisance actuelle et aux éléments qui pourraient changer à l’avenir.

Les banques centrales ne «tolèrent» pas le moindre risque systémique! C’est d’ailleurs ce facteur qui explique la faible volatilité actuelle. Les perspectives économiques ne sont pas particulièrement radieuses, mais il ne fait aucun doute que les banques centrales, notamment la Réserve fédérale américaine, interviendront au moindre signe de faiblesse – lié au «précipice budgétaire» – pour soutenir le marché. A court terme, cela aura pour effet d’éliminer le risque, mais à long terme, tant que les marchés et l’économie reposeront sur le soutien des banques centrales, le système demeurera fragile. Ce qui est assez paradoxal, car les acteurs du marché feront fi de toute prudence et prendront des risques de plus en plus importants pour en tirer de modestes gains.

Du côté de l’Europe, le marché continue à croire pour l’instant à un scénario miracle: la Banque centrale européenne (BCE) évite tout risque systémique sur les marchés financiers, et les dirigeants politiques européens font le nécessaire pour faire avancer l’UE tant bien que mal. Il y a peut-être aussi l’idée, de plus en plus répandue, que les Allemands font le strict minimum pour empêcher la moindre crise d’ici aux élections législatives prévues en septembre 2013. Mais, comme je l’ai déjà affirmé auparavant dans ces colonnes, l’UE doit encore sortir de son chapeau des solutions structurelles réalistes! Les pays périphériques doivent dévaluer leur monnaie, et croyez-le, ils vont le faire. Or, le cours de l’EUR/USD à 1,30 montre que les pays du cœur de l’UE, dotés d’une tradition de monnaie forte, empêchent encore cet ajustement nécessaire.

* Stratège et consultant en devises auprès de Saxo Bank