Depuis quelques mois, les pays émergents et leurs marchés d’actions, d’obligations et de devises traversent de fortes turbulences, inédites depuis la crise financière mondiale de 2008-2009. Ces pays, accusant les plus importants déficits courants, ont également dû faire face à des pressions sur leurs monnaies.

Si, à la fin d’août, l’anxiété des marchés mondiaux était en grande partie imputée à la crise en Syrie, la «crise» des marchés émergents couvait toutefois depuis longtemps. Dans un contexte marqué par un recours aux taux d’intérêt nuls et à l’assouplissement quantitatif de la part des grandes banques centrales des pays développés, les pays émergents semblaient alors n’avoir qu’une réponse possible. Ainsi, face à des politiques de relance monétaire à outrance, leur situation n’a dès lors eu de cesse de se détériorer.

Bulles de crédit intenables, surconsommation ayant aggravé le déséquilibre des termes de l’échange et investissements massifs d’acteurs internationaux cherchant à tirer profit des taux d’intérêt plus élevés et du meilleur potentiel de croissance sont autant de dommages collatéraux.

Alors que les politiques mises en œuvre dans ces pays semblaient judicieuses à l’époque, une tout autre opinion se forme aujourd’hui en présence de flux de capitaux qui s’inversent et de monnaies en chute libre. A titre d’exemples, la roupie indienne s’est dépréciée de 20% face au dollar américain depuis le début de mai, et la roupie indonésienne et la lire turque de 15% sur la même période. Il est surprenant d’observer des fluctuations de marché de cette ampleur dans un mois normalement marqué par de faibles volumes de transactions et une volatilité peu prononcée à la suite du départ en vacances d’une bonne partie de l’Europe.

Le facteur de ces conditions périlleuses? Le fait que la Réserve fédérale américaine lève lentement le voile sur son intention de ralentir le rythme auquel elle continuera d’acheter des titres du Trésor américain et des titres hypothécaires. A ce sujet, il se peut que la réunion de son comité des interventions monétaires (FOMC) accouche de l’officialisation de la réduction des achats d’actifs. Il s’agit d’un événement d’une importance cruciale pour les marchés mondiaux, qui rebondissent et corrigent au gré de la moindre évolution de la politique des banques centrales depuis la crise financière. Les marchés émergents ont ainsi dévissé les premiers ces derniers mois, étant les plus vulnérables aux changements anticipés – et avérés – des flux de capitaux et des conditions de liquidité.

Malheureusement, ils resteront vulnérables à l’avenir et seront certainement obligés d’opter pour un remède de choc, qui prendra la forme de taux d’intérêt plus élevés et d’autres mesures nécessaires à la correction des déséquilibres externes et à la stabilisation de leur monnaie. Il résultera de cela au moins un trimestre ou deux de croissance très faible, voire de récession.

* Analyste et stratège en devises auprès de Saxo Bank