Une semaine après l’inconcevable, difficile de ne pas évoquer ici l’horreur qui nous a tous hanté. Tout le monde en parle, et quoi de plus naturel. Hommage aux victimes, dénonciation de la barbarie, analyse géopolitique plus ou moins fumeuse sur l’efficacité (voire la légitimité) des frappes aériennes. Même les journalistes scientifiques se sont intéressés à cette «drogue de Daech» qui permettrait de tuer de sang froid et de se sentir invincible.

J’étais conforté dans le fait qu’il me fallait moi aussi m’exprimer par toutes ces analyses financières qui remplissaient jour après jour ma boîte mails et qui commençaient gentiment à me taper sur le système. Pourquoi cette agence de notation, dont je tairai le nom (l’heure n’est pas à la délation), croyait-elle bon de nous rappeler qu’une recrudescence d’attaques terroristes n’entraînait pas nécessairement la dégradation de la note de l’État visé?

Je tentais de me rassurer en me disant que le monde devait bien continuer à tourner, les analystes à analyser, les serveurs à servir et les videurs à vider.

C’est alors que j’ai reçu un communiqué du DoJ: trois nouvelles banques (BNP, KBL, CIC) venaient de conclure un accord à 81 millions de dollars dans le cadre du programme américain. Bizarrement, c’est la justice américaine qui me permit de m’évader, pour la première fois en une semaine, loin de l’enfer parisien qui avait tendance à tourner en boucle sur mes écrans.

Sourire en coin, j’apprenais qu’un client américain avait pu retirer deux millions de dollars en cash au guichet d’une banque pas plus tard qu’en 2012. Je m’imaginais alors l’indélicat anxieux, se sentant traqué, dans les rues de Genève avec deux sacs remplis de billets de 100 dollars (c’est ce que dit Internet: un million en coupures de 100 pèse 10 kilos et rentre dans un sac MacDo).

Je commence par me dire que c’est beau quand même un pays où l’on peut se balader avec deux millions en liquide. Puis je me rappelle que tout est fini, que cet évadé fiscal s’est finalement fait pincer par le DoJ. Et j’espère alors que la justice mettra la même vigueur pour arrêter les terroristes qui courent toujours.