«New Delhi a considéré la croissance comme acquise»
Inde
Les réformes sont urgentes, selon Arvind Panagariya, professeur à Columbia
Arvind Panagariya, professeur d’économie à l’Université américaine Columbia et ancien chef économiste de la Banque asiatique de développement, est sévère avec le gouvernement qui a cru «que rien ne pourrait arrêter la croissance en Inde».
Le Temps: Peut-on comparer la situation actuelle en Inde avec celle de 1991, lorsque le pays était proche de la faillite et avait dû demander l’aide du FMI?
Arvind Panagariya: La situation est différente. La banque centrale a beaucoup plus de réserves de change pour faire face à une crise. Le taux d’épargne reste également à un niveau élevé. Ces dernières semaines, le gouvernement a donné l’impression qu’il paniquait, ce qui a lancé un mauvais signal aux investisseurs.
– A-t-on surévalué l’ampleur de la crise, en voyant la roupie chuter?
– La situation est inquiétante, notamment parce que la croissance décline. Et ce, pas seulement depuis trois ou quatre mois mais depuis cinq à six trimestres. Le gouvernement a considéré la croissance comme acquise. Il s’est reposé sur ses lauriers, pensant que rien ne pourrait arrêter l’Inde. Pourtant, les réformes sont un processus continu. Il n’a même pas continué à construire des infrastructures. Pour un pays pauvre comme l’Inde, c’est inadmissible. Il faut de la croissance pour sortir les gens de la pauvreté.
– Certains Etats s’en tirent mieux…
– C’est un pays immense et certaines régions continuent de croître rapidement, comme le Gujarat, la région de Delhi ou de Mumbai par exemple. S’il reste parmi les Etats les plus pauvres, le Bihar compte encore une croissance à deux chiffres. Même si le gouvernement central ne fait rien, au niveau local, certaines politiques sont efficaces. La croissance, même divisée par deux, reste tout de même à 5%.
– On parle beaucoup de réformes. Lesquelles sont les plus urgentes?
– Ce n’est pas une réforme à proprement parler, mais il faut s’attaquer au marché de l’électricité en particulier et aux infrastructures en général. Il y a encore beaucoup trop de goulets d’étranglement. Ensuite, je rêve d’une réforme du marché du travail, dont les lois sont trop compliquées et parfois si différentes d’un Etat à l’autre qu’elles se contredisent. Ensuite, il faut s’attaquer à l’accès à la propriété. La réforme en cours la rend encore plus difficile, ce n’est pas normal. Cela dit, l’Inde se prépare aux élections nationales qui auront lieu au printemps 2014. Ce n’est pas un moment propice aux réformes.