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Objectif: mieux protéger le client

Les ordonnances des lois sur les services et établissements financiers (LSFin et LEFin) visent une meilleure information du client et la surveillance de tous les acteurs de la finance

Dès le 1er janvier 2020, les intermédiaires financiers devront respecter des règles de conduite instaurées par les ordonnances conçues pour protéger les clients. — © Frederic Cirou/PhotoAlto
Dès le 1er janvier 2020, les intermédiaires financiers devront respecter des règles de conduite instaurées par les ordonnances conçues pour protéger les clients. — © Frederic Cirou/PhotoAlto

Près de dix ans après la crise financière, la Suisse est sur le point de se doter d’un cadre réglementaire conforme aux standards internationaux, en particulier la directive européenne MiFID II. Dévoilées le 24 octobre dernier, les trois ordonnances d’application des lois sur les services et les établissements financiers (LSFin et LEFin) prévoient notamment une meilleure protection du client, à travers une information adaptée à son profil et la surveillance de tous les acteurs des services financiers.

Dès le 1er janvier 2020, lorsque les LSFin et LEFin entreront en vigueur, les intermédiaires financiers devront respecter des règles de conduite instaurées par ces ordonnances, qui ont été mises en consultation jusqu’au 6 février. Les profils des clients, qui seront classés entre «privés», «professionnels» et «institutionnels», détermineront les informations qu’il faudra leur fournir. Les clients privés devront recevoir une information complète et mise à jour, mais pourront aussi changer de catégorie (procédure dite d’opting-out) si leur fortune atteint au moins 2 millions de francs (hors immobilier), ou 500 000 francs s’ils disposent de connaissances et d’une expérience professionnelles.

Suisses exemptés d’inscription

Autre nouveauté, des obligations accrues en matière d’information et de vérification. Elles comprennent la vérification du caractère approprié (appropriateness) lors de conseils liés à des transactions isolées, et la vérification de l’adéquation (suitability) lors de conseils tenant compte de l’ensemble du portefeuille du client, décrypte l’avocat Fabien Aepli, associé de Mangeat Avocats, qui précise que tout doit être documenté: «Un prestataire de services financiers qui ne serait pas en mesure de démontrer comment il a respecté ses obligations d’information et de vérification et comment il a rendu des comptes à un client risque gros en cas de conflit avec ce dernier.»

Les conseillers à la clientèle devront s’inscrire dans un registre central. «Cette obligation de s’enregistrer ne s’applique pas aux employés de prestataires financiers en Suisse qui sont soumis à une surveillance prudentielle, c’est-à-dire les banques, les négociants en valeurs mobilières (renommés «maisons de titres»), les directions de fonds, les gestionnaires de placements collectifs ou, à l’avenir, les gestionnaires indépendants, qui seront nouvellement soumis à une surveillance prudentielle en Suisse», analyse François Rayroux, avocat spécialisé en droit bancaire chez Lenz & Staehelin.

En revanche, des avocats ou des fiduciaires qui fournissent des services financiers, par exemple dans le domaine de la gestion, devront s’inscrire, à moins d’exercer leurs mandats dans le cadre d’une mission prévue par la loi, de même que les distributeurs de fonds, qui ne seront plus soumis à la surveillance de la Finma. Les collaborateurs de prestataires de services étrangers devront s’inscrire, à l’exception des collaborateurs étrangers de groupes suisses soumis à une surveillance consolidée de la Finma, ce qui concerne les employés des groupes suisses basés à l’étranger par exemple.

Les grands établissements qui ont déjà mis en œuvre la directive européenne MiFID II devront procéder à des adaptations, car les textes suisses sont un peu différents

François Rayroux, avocat spécialisé en droit bancaire chez Lenz & Staehelin

Ces textes vont-ils véritablement changer la pratique dans les services financiers? «Tout dépend des institutions dont on parle, poursuit François Rayroux, qui a fait partie de divers groupes de travail sur les ordonnances des LSFin et LEFin. Les grands établissements qui ont déjà mis en œuvre la directive européenne MiFID II devront procéder à des adaptations, car les textes suisses sont un peu différents. Cela restera supportable et des décisions stratégiques devront être prises quant à la question de savoir si les nouveaux standards suisses seront appliqués à la clientèle suisse ou de pays tiers, ou si les prestataires n’appliqueront qu’un seul standard à tous leurs clients, car les ordonnances suisses sont plus flexibles que le droit européen sur un grand nombre de points, par exemple pour les rétrocessions ou pour la catégorisation de clients.»

Impact significatif pour les gérants externes

Selon notre interlocuteur, «l’impact sera significatif pour les gérants indépendants et les trustees. Ils devront demander une autorisation de la Finma et appliquer des règles renforcées en matière de gouvernance, mais les exigences devraient être proportionnelles et adaptées à la taille et au profil de risque des entreprises.»

Relevant que les ordonnances apportent peu de nouveautés en dehors des exigences d’information, Guillaume de Boccard, associé chez Geneva Compliance Group, précise que «les gestionnaires externes et les trustees devront disposer d’un responsable de la compliance et d’un gestionnaire du risque. Les personnes assumant ces tâches devront être indépendantes et ne pourront en principe pas prendre part aux activités qu’elles surveilleront, sauf si la société de gestion ou le trustee réalise moins de 1,5 million de francs de chiffre d’affaires annuel ou compte moins de cinq collaborateurs». Selon lui, la délégation de la gestion des risques et de la compliance sera facilitée par ces nouvelles dispositions.

Obligations selon la taille des gérants

Enfin, les gestionnaires indépendants et les trustees seront soumis à une surveillance prudentielle. Ils devront obtenir une autorisation délivrée par la Finma, tant que la supervision de leurs activités quotidiennes sera confiée à un ou plusieurs «organismes de surveillance» (OS), qui devront être autorisés par la Finma. Selon nos informations, au moins quatre projets d’OS sont en cours. Les surveillants actuels des gérants externes, les organes d’autorégulation (OAR), continueront à veiller au respect des règles antiblanchiment.

«C’est une très bonne chose que la réglementation tienne compte de la taille des gérants indépendants, résume Patrick Dorner, directeur de l’ASG, la plus grande association du secteur. Les exigences d’organisation seront allégées pour les petits et moyens gérants, ce qui est très positif. A l’inverse, l’ordonnance voudrait renforcer les exigences, pourtant prévues dans la loi, pour les gérants qui ont plus de 10 millions de francs de produits.» Sur les 726 gérants externes que surveillait l’ASG en 2016, plus de la moitié employaient moins de quatre personnes et 91% comptaient dix collaborateurs ou moins.

Les versions finales des ordonnances sur les LSFin et LEFin devraient être publiées au cours du troisième trimestre 2019, soit quelques mois avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles lois. Les acteurs auront un an pour se mettre en conformité avec les dispositions concernant les clients, et les gérants indépendants auront jusqu’à trois ans pour obtenir une autorisation d’exercer.