fonds de placement
En période de désendettement public de longue durée, comme sous l’ère victorienne où il fallait rembourser des emprunts accumulés au cours des guerres et des révolutions, les obligations d’entreprises sont à privilégier. Par Mondher Bettaieb (Vontobel EUR Corporate Bond Mid Yield)
L’UE n’est heureusement pas en guerre, mais les rendements actuels des emprunts d’Etat resteront probablement à un niveau plus bas et pendant plus longtemps que ne le prévoient de nombreux investisseurs. A l’époque victorienne, la réduction de la dette avait porté ses fruits, mais cela a pris soixante ans. Aujourd’hui, des pays de l’Europe doivent entreprendre une démarche comparable, et le processus ne fait que commencer. Les banques ont besoin de deux années supplémentaires pour réduire elles aussi leurs dettes avant que le désendettement des Etats puisse être mis sur les rails.
A long terme, les taux d’intérêt artificiellement bas rendront les emprunts d’Etat européens peu attrayants. De plus, les fondamentaux continuent à se détériorer, car l’endettement des Etats s’accroît encore du fait du vieillissement de la population européenne. L’augmentation du coût des retraites et des soins de santé pourrait ajouter entre 27 et 75% aux ratios dette/PIB français d’ici à 2030. Il ne serait donc pas étonnant que les notations des emprunts souverains plongent un peu plus.
Le risque de désintégration sociale s’ajoute à la pression sur les emprunts d’Etat. Le désendettement public et privé est un frein à la création d’emplois. Le taux de chômage élevé chez les jeunes a également de sérieuses conséquences sur les perspectives des actions.
S’y ajoute une consommation faible qui est néfaste pour les entreprises et pour le cours de leurs actions. Pendant de nombreuses années, les actions américaines s’étaient bien comportées grâce aux baby-boomers. Alors que cette époque touche à sa fin, la croissance réelle des actions chute. Les actions sont trop dépendantes des fluctuations des cours et de la croissance pour être considérées comme des placements dépourvus de risque et offrant une bonne visibilité
Par conséquence, les obligations d’entreprises offrent une meilleure alternative aux emprunts d’Etats faiblissants et aux actions dépendantes de la croissance. Les obligations non garanties et subordonnées sont plus importantes que les actions dans la structure du capital. Elles offrent également une meilleure visibilité en termes de rendement que les emprunts d’Etat.
Les obligations d’entreprises représentent la valeur refuge. Il est plus facile de déterminer si le spread rémunère l’investisseur pour le risque qu’il a pris. Avec les gouvernements, il faut toujours évaluer des dynamiques politiques complexes, comme la réforme des retraites et les mesures gouvernementales locales. Les variables des entreprises sont plus faciles à comprendre.
Le gouvernement italien et l’assureur Generali illustrent cette idée. L’Italie est confrontée à de nombreux problèmes, qui vont des querelles politiques internes à l’échec des réformes. Generali est partiellement entravé par la notation BBB de l’Italie, mais l’entreprise a amélioré sa solvabilité et réduit son endettement. Son obligation subordonnée à dix ans offre actuellement un spread d’environ 480 points de base.
La direction de Generali est en train de remettre l’entreprise sur pied. Le spread rémunère généreusement les investisseurs. L’entreprise est facile à analyser. Elle présente des capacités d’évolution.
Les obligations d’entreprise offrent également d’autres avantages par rapport aux actions. Un coupon obligataire est fixe, tandis que les dividendes d’actions peuvent toujours être réduits. L’analyse fondamentale peut être la même, mais les actions et les dividendes sont moins prévisibles et la visibilité est réduite.
La catégorie investment grade est la nouvelle valeur refuge. L’histoire montre qu’elle se comporte bien lorsque les économies sont faibles. Depuis 1948, cette catégorie génère en moyenne un rendement excédentaire de 0,25% par trimestre, même lorsque la croissance du PIB est stable ou chute de 3%.
La catégorie des hauts rendements est plus volatile, relativement étroite et les investisseurs n’obtiennent jamais le nombre de titres souhaités lors des nouvelles émissions. Toutefois, les portefeuilles soigneusement sélectionnés peuvent faire jeu égal avec leur indice de référence et fournir une protection appréciable contre les défaillances.
Selon une estimation de Vontobel, les défaillances dans la catégorie des hauts rendements devraient atteindre 8% avant que les rendements espérés ne chutent au niveau des emprunts d’Etat. En réalité, les taux de défaillance ne dépassent pas 2% par an quel que soit le portefeuille, servant des rendements de près de 5%.
Même la reine Victoria aurait peut-être été d’accord.