La trame financière mondiale, révélée dimanche grâce aux données soutirées au cabinet d’avocats Mossack Fonseca, n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. Mais des regards accusateurs se tournent déjà vers le Panama, une législation qui, par son opacité, a servi de plaque-tournante à des milliers de schémas de blanchiment d’argent, de fraude ou d’évasion fiscales, selon les premiers résultats de l’enquête publiée dimanche par le consortium de journalistes ICIJ.

Le Ministère public panaméen a annoncé lundi après-midi (heure suisse) l’ouverture d’une investigation à l’encontre de Mossack Fonseca. Ce dernier dément, lui, avoir agi dans l’illégalité et dénonce une «campagne internationale contre la sphère privée». Si la procédure judiciaire devait se confirmer, ce serait la deuxième fois cette année que le cabinet est confronté à la justice. Fin janvier, la procureure Kenia Porcell avait déjà lancé une investigation suite aux dénonciations de la justice brésilienne dans le scandale de corruption «Lava Jato» qui avait permis de mettre à jour un système de corruption généralisé. Ramón Fonseca, cofondateur du cabinet Mossack Fonseca, était jusqu’en mars dernier «conseiller ministre» du président panaméen Juan Carlos Varela et président de son parti politique. Il a démissionné dans la foulée de cette affaire.

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Pour le procureur brésilien Carlos Fernando dos Santos Lima – cité par le journal panaméen La Prensa – de «nombreux indices témoignent de l’existence d’une véritable organisation criminelle, spécialisée dans le blanchiment de pots-de-vin, principalement à travers des transactions immobilières et des sociétés offshore».

Une loi tous les trois mois

Dimanche, quelques heures après à la publication des premiers articles tirés des «Panama Papers» – selon le terme retenu pour désigner les quelque 11,5 millions de documents volés au cabinet centre-américain – la chancellerie présidentielle a rappelé, dans un communiqué, «l’engagement pour la transparence des services financiers et légaux» du gouvernement de Juan Carlos Varela tout au long de ses 21 mois de mandat. Dans ce laps de temps, l’exécutif revendique l’adoption de sept lois destinées à combattre les activités illicites ou réguler les secteurs financiers non traditionnels comme les cabinets d’avocats et le marché immobilier.

A titre d’exemple, le Panama a supprimé, en 2015, la possibilité d’avoir recours à des actions au porteur, permettant aux propriétaires des sociétés offshore de dissimuler leur identité. Mais, selon l’enquête de l’ICIJ, les 14000 clients de Mossack Fonseca (cabinets d’avocats ou banques) ont régulièrement ignoré les obligations légales.

Échange automatique rémunéré?

Le Panama a été retiré de la liste de l’OCDE des pays prêts à adopter l’échange automatique d’information (97 pays y figurent dont la Suisse). Il a été placé sur une liste des pays non collaboratifs avec le Bahreïn, Nauru et Vanuatu. En 2014, la Colombie voisine avait déjà inclut le Panama dans sa liste de paradis fiscaux pour son manque de collaboration. Dimanche, le gouvernement a annoncé être prêt à «collaborer vigoureusement avec toutes les sollicitations nécessaires, pour autant qu’une procédure judiciaire soit en cours.»

Pour l’économiste panaméen Juan Jované, le pays ne peut pas devenir l’agent fiscal de toute la planète: «Le système judiciaire n’a pas les ressources suffisantes pour collaborer avec toutes les juridictions. L’échange automatique d’information doit prévoir une forme de compensation financière pour les recherches effectuées.» Le Panama compte plus de 350000 sociétés offshore sur son sol. Un rapport du Département d’État des États-Unis, publié en mars, a pointé la «faiblesse» de la justice panaméenne, notamment en matière d’investigation du blanchiment d’argent et des crimes financiers complexes, et sa vulnérabilité à la corruption.