C’était la «guest star» du salon Invest15. Philipp Hildebrand, ancien président de la Banque nationale suisse (BNS) contraint de démissionner en janvier 2012 après des achats de devises effectué par sa femme, était l’invité de la 8e édition de ce salon des gérants de patrimoine mercredi matin à Genève. Devant un parterre de gérants de fortune, il a choisi pour thème la reprise économique en Europe et ses implications pour la Suisse. Mais à la première question de l’auditoire, il n’a pu éviter le sujet qui brûlait toutes les lèvres : abandonner le taux plancher était-il une bonne idée ?

Si au mois de janvier, lors du Forum de Davos, Philipp Hildebrand n’avait pas souhaité s’exprimer sur la question, le Bernois d’origine ne s’est pas dérobé cette fois-ci. «Oui, l’abandon du taux plancher était la bonne décision», a-t-il martelé. S’il n’a pas souhaité s’étendre davantage sur la question, il a toutefois prévenu qu’il fallait s’attendre à ce que la force du franc pèse encore sur la croissance et l’emploi. «Je suis plus inquiet pour les petites et moyennes entreprises que pour les grands exportateurs, a-t-il expliqué. Car si ces grandes entreprises peuvent se tourner vers des fournisseurs étrangers pour profiter à leur tour de la force du franc, les plus petites, qui travaillent presque exclusivement pour les grands exportateurs et qui n’importent pas beaucoup, sont bien plus touchées par la surévaluation de notre monnaie.»

Philipp Hildebrand n’avait pas fait le déplacement à Genève, où il a effectué une partie de ses études et de sa carrière (il a notamment travaillé pour l’UBP), pour parler de la BNS et de sa politique monétaire. Celui qui œuvre désormais pour le compte de BlackRock, géant mondial de la gestion d’actifs, et qui réside à Londres avait choisi de parler de l’Europe. Et de son économie qui, «aussi étrange que cela puisse paraître, ne s’est jamais aussi bien portée depuis le début de la crise.» Produit intérieur brut (PIB) qui tend à progresser, confiance des consommateurs de retour, créations d’emplois plus connus depuis 2008 et taux de chômage qui baisse sensiblement à l’exception de la France, sont autant d’arguments brandis par l’ancien grand argentier. «Surtout, a-t-il poursuivi, l’éclatement de la zone euro a été évité cet été. Et je peux vous assurer que j’en ai douté à un certain moment.»

Résultat: Philipp Hildebrand se montre relativement optimiste pour la suite. D’autant qu’un nouvel assouplissement monétaire (QE2) de la part de la Banque centrale européenne n’est, selon lui, pas impossible. Seul bémol: l’euro reste plus fort que désiré. «Mes amis de la BNS aimeraient eux aussi qu’il soit un peu plus faible», a-t-il plaisanté.

Malgré tout, Philipp Hildebrand sait que des problèmes demeurent en Europe. «La dette publique s’élève aujourd’hui à 92% du PIB en zone euro, a-t-il souligné. C’est 20% de plus qu’en 2007.» Deuxième souci selon lui, le fait que l’Europe ne dispose toujours pas d’outils de stabilisation communs, que ce soit une assurance chômage commune ou un ministre des finances, par exemple. Si ces réformes ont été «parfaitement diagnostiquées au niveau politique, elles manquent de soutien dans les opinions publiques, a-t-il expliqué. Et il est peu probable qu’elles soient menées à moins de deux ans des élections en France et en Allemagne.»

Du coup, et même si l’économie suisse est étroitement liée à l’économie européenne – «on ne commençait jamais une discussion sur la conjoncture suisse quand j’étais à la BNS sans parler avant de la conjoncture européenne» – Philipp Hildebrand recommande une plus grande ouverture de la Suisse au reste du monde. «Les banques, notamment genevoises, ont montré la voie en se diversifiant en Asie, a-t-il conclu. Ainsi, si l’Europe réussi à rebondir nous en profiterons. Mais si elle échoue, nous aurons un moteur de secours sur lequel s’appuyer.» Après 45 minutes, l’ancien président de la BNS est reparti comme il était arrivé : sous les applaudissements et en toute discrétion.