«Mon fils a voulu voir notre robot, mais il a été déçu. Il ne s’agissait pas d’un vrai robot mais d’un logiciel, explique Marc Bürki, directeur général du groupe Swissquote. La qualité du robot est définie par ce qu’on y place à l’intérieur», ajoute-t-il. Au premier abord, tous les acteurs suisses présents sur la scène des conseillers robots (robo-advisor) partagent le même discours. Avec leurs solutions en ligne, ils partent de l’hypothèse que la stratégie doit être passive. Personne ne connaît l’avenir. Il est donc préférable d’avoir des ETF (fonds indiciels cotés) dans son portefeuille, d’autant que la gestion est ainsi moins coûteuse qu’avec des fonds de placement actifs. Les coûts des robots suisses se situent donc entre 0,35 et 0,65% par an.

Automatisation du service

Tous insistent sur l’automatisation du service, donc sur l’emploi d’algorithmes destinés à traduire en portefeuille personnalisé la tolérance au risque d’un individu et qui, de plus, permet d’éviter les biais comportementaux: ne pas céder à l’humeur du moment, par exemple, pour vendre comme tout le monde ou acheter lorsqu’un titre est à la mode.

Plus de 200 sociétés se sont lancées sur le créneau de l’offre de stratégies par Internet depuis 2009, selon le Wall Street Journal. Les plus connus sont Betterment, à New York, et Wealthfront, à San Francisco. En Suisse, les robots se trouvent chez True Wealth, Investomat (Banque cantonale de Glaris), VZ VermögensZentrum et Swissquote.

La qualité est parfois proche d’une gestion classique, affirme Zwei Wealth Experts, une société suisse spécialisée dans l’analyse des offres de gestion de fortune pour les investisseurs privés. Elle a, par exemple, réalisé une étude sur la qualité de True Wealth. Ses critères portent sur la construction de portefeuille ou la délégation des tâches (reporting, rééquilibrage des positions, gestion du compte). Son bilan est très positif. Sur toute la grille, aucun point négatif. «La mise en œuvre de la stratégie est très efficiente», déclare Patrick Müller, directeur de Zwei Wealth Experts. A son avis, il n’y a toutefois pas de stratégie d’investissement dans la mesure où chacun définit son choix en fonction de sa tolérance au risque. «Si on sait ce que l’on veut, c’est très efficace», dit-il. L’algorithme utilisé n’est pas très compliqué, à son avis. L’offre lui plaît par son fort degré d’individualisation et sa structure de coûts «basse et transparente». La société affirme même qu’il s’agit d’«une bonne alternative à un mandat classique». A son avis, l’offre de VZ correspond davantage à celle d’un fonds d’actifs avec algorithme, selon l’expert.

Swissquote

Le portefeuille en ligne de Swissquote, qui se veut «plus proche de la gestion classique», introduit «davantage de granularité que les robots standards puisqu’il permet d’intégrer des actions directes et pas uniquement des ETF», fait valoir Marc Bürki.

Son algorithme, comme d’autres, est basé sur la «Value at Risk» (VaR), puis l’analyse des branches, pays ou titres que l’investisseur préfère. «C’est très inter-actif», lance Marc Bürki. Le client a souvent une idée précise de ses souhaits. «S’il veut absolument le titre Apple, le logiciel intègre son choix en prenant en compte sa tolérance au risque et le besoin de diversification», indique-t-il.

L’univers à disposition du robot comprend environ 2500 titres. Le robot en choisit une quarantaine, si la fortune investie oscille autour de 100 000 francs, selon la société. Dans les actions, l’algorithme est basé sur le rendement, c’est-à-dire sur l’espérance mathématique du cours. Une fois les paramètres définis, l’investissement se fait immédiatement. Le coût s’élève à environ 1% (0,5% de gestion et 0,5% de dépôt et de mise en œuvre).

Deux fonds de placement de Swissquote sont gérés par le même robot que celui qui gère les comptes iPrivate Banking. La politique d’investissement consiste à maintenir un niveau de risque constant à travers le temps (mesuré par l’expected shortfall, ou moyenne des pertes potentielles sur un horizon au-delà de la VaR). En 2015, le rendement du fonds Qfunds en francs a atteint 6,9%, (contre 2,4% pour l’indice SPI), en 2014 15,5% (contre 12,9%) et en 2013 26,7% (contre 24,5%). 

True Wealth

L’approche est différente pour True Wealth et ses «plus de 600 clients». Dans le bureau étroit qui regroupe les quatre collaborateurs de la start-up, à Zurich, Felix Niederer, cofondateur, explique que la société «ne se profile pas en fonction du rendement, mais de l’efficience en termes de coûts». Il n’y a ni rétrocession ni contrat avec un émetteur, assure Felix Niederer. Aucun risque de conflit d’intérêts. La banque de dépôts est Saxo Bank. Le coût est fixé à 0,5% tout compris (gestion et transactions). Il est inférieur à ses concurrents, selon le responsable, lequel souligne les possibilités de «personnalisation de sa solution».

Comme pour les autres plate-formes, le client se voit d’abord proposer de mesurer sa tolérance au risque. C’est le fruit d’une dizaine de questions qui évalue la propension au risque et la capacité à l’assumer. Par exemple, qu’attendre du mandat? «De faibles risques de pertes, même à court terme.» Ou «des chances de gains saines et des risques de pertes modérées ne me dérangent pas». Ou «de fortes chances de gains et la préservation à long terme de mon pouvoir d’achat sont plus importants pour moi. Je peux subir des pertes au sein d’un cycle.» Une alternative est également proposée à la personne qui veut exclure les risques de pertes.

Une tentative personnelle et virtuelle souligne l’extrême et la convivialité du système. Rien n’est plus visible que les effets sur le portefeuille et sa composition du déplacement du curseur sur le degré de tolérance au risque, ou sur les vœux de modification de la composition du portefeuille pour une diversification accrue ou inférieure. L’aspect ludique se couple à un avantage administratif évident, comprenant aussi le reporting fiscal gratuit. «Le portefeuille peut être changé à volonté par l’investisseur, lequel constate immédiatement comment ses gestes modifient le degré de risque et de diversification», indique Felix Niederer, cofondateur de True Wealth. Entre l’objectif de l’investisseur et la situation actuelle du portefeuille, un rééquilibrage s’avère parfois nécessaire. Il est réalisé deux fois par semaine. Les ETF inclus dans le portefeuille sont le fruit d’une simulation de rendement. «Nous nous rapprochons beaucoup du système de Wealthfront», explique Felix Niederer.

VZ VermögensZentrum

«Le premier conseiller robot suisse a été celui de VZ VermögensZentrum puisqu’il existe depuis 2010», explique Marc Weber, directeur de la banque de dépôts du groupe VZ. «Ici, c’est le client qui remplace le gérant de fortune, alors que pour d’autres c’est l’institut qui le remplace», fait valoir le banquier.

L’originalité du processus du conseiller financier est illustrée par un processus en trois étapes établi en fonction du degré de sophistication de l’investisseur.

La première étape correspond à celle des robots les plus simples. On élimine les biais comportementaux, on offre un portefeuille d’ETF et les coûts sont très bas. Mais contrairement à d’autres, le rééquilibrage du portefeuille n’est pas fonction du temps (deux fois par semaine pour True Wealth), mais d’un ensemble de règles prédéfinies. Sur son portail financier, VZ emploie le terme de «gestion de fortune basée sur des règles fixes». VZ a d’ailleurs publié un ouvrage de 200 pages (en allemand) sur les règles en question que l’on retrouve dans le robot. «Nous ne rééquilibrons le portefeuille que si c’est sensé», explique le directeur. Le portefeuille n’est modifié que si, à la suite des variations de marché, la quote-part d’un actif s’éloigne de 20% (pour les actions) de la pondération visée (la limite dépend de la volatilité et n’est donc pas toujours de 20%). S’il est modifié trop souvent, on réduit le potentiel de gain.

La deuxième étape du processus intègre les subtilités de la gestion tactique et la troisième celles de la sélection des titres. Au total, plus de 15 000 clients ont adopté ce système, soit environ 2 milliards de francs d’actifs, selon Marc Weber. Les coûts atteignent 0,55% pour la première étape et sont plus élevés pour les suivantes.

«L’une des règles les plus efficaces pour connaître la tendance du marché est celle de la moyenne mobile à 200 jours», affirme Marc Weber. Elle montre par exemple que depuis août 2015, il fallait se montrer plus prudent dans les actions. Le robot de VZ a intégré de lui-même ce type de considérations. Quant au rendement, c’est le client qui en est responsable, en fonction de la diversification qu’il choisit, de son profil de risque et du portefeuille qu’il privilégie. Le robot n’est finalement qu’un instrument, aussi performant soit-il.