Chef stratégiste, Mirabaud Asset Management

Stratégiste quantitatif, Mirabaud Asset Management

Le dernier relevé des ventes de détail aux États-Unis a déçu le consensus du marché. Du fait que l’économie américaine carbure essentiellement à la consommation de ses ménages domestiques, le chiffre a provoqué une révision à la baisse des estimations de croissance du produit intérieur brut pour le second trimestre. Paradoxalement, certains se sont félicités de la statistique puisqu’elle valide la poursuite du programme d’assouplissement quantitatif. Faut-il dès lors se réjouir d’une mauvaise tournure de la conjoncture pour soutenir la politique actuelle de la banque centrale américaine?

Depuis le 22 mai dernier, la question du retrait des injections de liquidités de la Réserve fédérale américaine (Fed) est sur toutes les lèvres des acteurs du marché. Sur ce point, un malaise émane des dernières réunions de la Fed: manque de clarté, discours jugé confus, le sentiment semble être très partagé au sein de la banque centrale. Autrement dit, pour reprendre le jargon utilisé pour désigner ceux qui s’opposent à la vigueur du programme d’assouplissement quantitatif et ceux qui la défendent, les faucons et les colombes donnent l’impression de s’affronter. Cependant, même si la question est légitime à certains égards, le retrait progressif des liquidités ne devrait pas être tant redouté dans la mesure où ce processus s’inscrit dans la logique d’une économie plus prospère. N’est-ce donc pas là un faux débat?

Rappelons, tout d’abord, que M. Bernanke ne connaît certainement pas le calendrier exact de l’amendement du programme sous revue, étant donné que celui-ci dépend de la santé à venir de l’économie américaine. Si la décision est une fonction du taux de chômage, qui peut prétendre prévoir avec précision l’ampleur des créations d’emplois au cours des six prochains mois?

En ce qui concerne les implications pour les marchés financiers, envisageons les deux scénarios opposés. Si les statistiques économiques s’avèrent décevantes d’ici la fin de l’année, les injections de liquidité se poursuivront pour le plus grand bonheur des investisseurs suspendus aux dires des autorités. En revanche, si l’économie réelle s’améliore, les injections de liquidités s’estomperont mais l’évaluation des cours des actifs bénéficiera de meilleurs fondamentaux. Ne faudrait-il pas dès lors se réjouir d’un retrait progressif du «QE» (assouplissement quantitatif) confirmant l’embellie de la conjoncture? D’un point de vue économique, il semble préférable de justifier l’évolution des cours des actifs financiers par l’assise des fondamentaux plutôt que par l’artifice de mesures purement monétaires. De manière intéressante, que ce soit dans l’une ou l’autre configuration, le marché des actions devrait progresser.

Certes, la situation n’est pas dénuée de tout risque, mais celui-ci concerne essentiellement le marché obligataire sous perfusion de la Fed. Cette caractéristique explique la grande prudence à respecter en ce qui concerne les investissements à revenus fixes. Il est vrai qu’une trop forte remontée des taux consécutive à l’arrêt des injections de liquidités pourrait mettre en danger les prix des actions. Si ce risque ne constitue pas notre scénario central, il implique toutefois un degré seulement modéré de la surpondération tactique conseillée. Cette position se voit renforcée, sur le plan microéconomique, par les résultats des sociétés. À ce jour, les chiffres annoncés ont, pour la plupart, dépassé les attentes du marché.

Au contraire, la situation en Europe est beaucoup plus nuancée. Au niveau macroéconomique, les pays périphériques de la zone euro sont confrontés à de forts remous politiques. En Espagne, le premier ministre a encore défrayé la chronique, à cause des rumeurs de financement occulte lié à sa personne ou à son parti. La qualité de crédit décernée à l’Italie a été récemment rabaissée par l’une des grandes agences de notation. Le Fonds européen de stabilité financière a souffert d’un phénomène analogue en raison d’une révision à la baisse des perspectives conjoncturelles en France. En Grèce, l’imposition de réformes structurelles suscite le mécontentement de la population. L’instabilité politique pourrait relancer la crise des dettes souveraines et les conséquences néfastes qui lui sont associées.

En somme, alors qu’une grande partie des investisseurs sont focalisés sur la politique monétaire menée outre-Atlantique, le risque prépondérant pourrait provenir du Vieux Continent. Ce constat inspire encore la prudence quant à l’exposition aux actions européennes.

Il semble préférable de justifier l’évolution des cours des actifspar l’assise des fondamentaux plutôt que par l’artifice de mesures purement monétaires