Consolidation
Comment se structure une opération de fusion-acquisition dans la gestion de fortune

La crise financière de 2008 aura mené en Suisse à la fin du secret bancaire en matière fiscale dont bénéficiaient les clients étrangers. Les conséquences de cette crise financière et la fin du secret bancaire ont provoqué un mouvement de consolidation du secteur bancaire qui s’est manifesté par le retrait de banques étrangères du marché suisse, la volonté de banques suisses de grandir et la liquidation volontaire ou forcée de banques. Ce mouvement a généré une activité importante d’achat et de vente de banques et de portefeuilles de clients. Comment se calcule le prix dans les opérations d’achat/vente de banques et de portefeuilles de clients.
On distingue en général l’opération qui consiste à acheter/vendre les actions d’une banque (share deal) de celle qui consiste à acheter/vendre des actifs (et passifs) d’une banque (asset deal). Dans un share deal, tous les risques liés à la banque acquise passent sous le contrôle de l’acheteur dans la mesure où celle-ci devient sa filiale, alors que dans un asset deal, les risques pour l’acheteur sont essentiellement ceux liés à la clientèle transférée.
Valorisation parfois négative
Les share deals ont donc été rares durant les années pendant lesquelles les risques réglementaires étaient considérés comme trop élevés ou trop incertains, notamment à l’époque de l’application généralisée du «programme américain» et de l’incertitude relative à l’évolution législative en matière de répression de l’évasion fiscale dans certains pays européens. Indépendamment de la structure de l’opération, l’objectif principal des opérations d’achat/vente discutées dans cet article est de transférer à l’acheteur des clients du vendeur.
Le prix de vente d’une société ou de ses actifs peut être fixé de plusieurs façons. Pour les banques principalement actives dans la gestion de fortune, la composante caractéristique et principale du prix correspond en général à un pourcentage des actifs des clients transférés. Ce pourcentage peut varier selon le type de relation contractuelle (mandat de gestion, advisory, execution only), la rentabilité des actifs ou les caractéristiques des clients. Ainsi, même si leur nombre a sensiblement diminué en raison des développements législatifs et réglementaires récents (dont la mise en place de l’échange automatique d’informations), les clients «non déclarés» peuvent être valorisés à un pourcentage moindre que les clients déclarés ou les clients pour lesquels cette caractéristique apparaît (à un moment donné) comme moins pertinente.
Cette valorisation peut même être négative, en ce sens que le vendeur accepte une moins-value pour des clients non déclarés en échange de leur reprise par l’acheteur, typiquement dans les cas où le vendeur souhaite se retirer rapidement du marché et donc éviter les démarches nécessaires pour «sortir» ces clients. Les pourcentages appliqués en pratique dans la période actuelle de transparence fiscale et de pression sur les marges se situent aux alentours de 1% alors qu'ils pouvaient être de 3 à 4% avant la crise financière. On constate par exemple sur la base d'informations publiques que Vontobel a récemment accepté de rémunérer au pourcentage de 1,78% les actifs sous gestion de la clientèle de Notenstein La Roche, qui est essentiellement basée en Suisse.
Calcul en deux étapes
Le calcul du prix sur la base des actifs des clients pose un problème particulier dans la mesure où les clients sont, par définition, mobiles. Chaque client est susceptible de quitter la banque acquise (en cas de share deal) ou l’acheteur (en cas d’asset deal) plus ou moins rapidement après la réalisation de l’opération. Ce risque est probablement plus élevé en cas d’asset deal dans la mesure où le client se trouve dans une nouvelle banque après la réalisation de l’opération. Néanmoins, le risque qu’un client quitte la banque acquise en cas de share deal est également réel lorsque le client estime que son partenaire contractuel est un groupe, voire un «nom», plutôt qu’une entité spécifique.
L’acheteur souhaitera donc se protéger contre le risque de sortie des clients repris après la réalisation de l’opération. Cette protection est mise en place par un calcul du prix à deux moments, celui de la réalisation de l’opération (transfert effectif des actions de la banque acquise, respectivement des actifs et clients repris) et un moment situé quelques mois plus tard, en général entre six et dix-huit mois. L’acheteur paiera une partie du prix à la réalisation de l’opération sur la base des actifs des clients transférés à ce moment. Le prix sera à nouveau calculé quelques mois plus tard sur la base des actifs des clients transférés à la réalisation qui sont toujours avec la banque acquise, respectivement l’acheteur.
Remboursement envisageable
En général, la partie du prix payée au moment de la réalisation de l’opération correspond au prix minimum en ce sens que le vendeur n’aura pas à rembourser tout ou partie de ce montant dans l’éventualité (en principe atypique) où le prix final calculé sur la base des actifs de clients plusieurs mois après la réalisation de l’opération est inférieur au montant payé à la réalisation.
Toutefois, si le vendeur a souhaité recevoir une partie importante du prix à la réalisation de l’opération, l’acheteur aura probablement refusé que le montant payé soit un prix minimum. Dans ce cas, le vendeur pourrait devoir rembourser une partie du montant reçu à la réalisation si le prix final devait être inférieur à ce montant (selon un mécanisme dit de clawback).
Le prix final est donc en général déterminé plusieurs mois après la réalisation de l’opération. Cette pratique pose un problème conceptuel dans la mesure où les clients transférés sont sous le contrôle de l’acheteur et que celui-ci peut donc influencer pendant plusieurs mois, volontairement ou non, la base de calcul du prix final. Il en résulte des discussions délicates entre le vendeur et l’acheteur dans le cadre des négociations du contrat de vente au sujet des motifs possibles qui pourraient mener des clients à partir, ce d’autant plus que ces motifs sont en pratique souvent difficiles à déterminer, voire impossibles à prouver.
Valeur de l’entreprise
Le prix calculé sur la base des actifs de clients sera en général complété par une composante de prix fondée sur la valeur nette de l’entreprise. En cas de share deal, le vendeur sera ainsi rémunéré pour les fonds propres de la banque vendue. En cas d’asset deal, la valeur nette présentera en principe un solde négatif dans la mesure où les dépôts excéderont en principe les crédits. Le vendeur s’engagera à combler ce solde négatif jusqu’à un montant d’un franc, ce qui permettra d’assurer le transfert à l’acheteur des liquidités des clients comptabilisées comme engagements du vendeur.
Enfin, le prix n’est pas nécessairement l’élément central d’une opération d’achat/vente, par exemple lorsque l’objectif du vendeur est de cesser ses activités. Il doit être évalué, pour le vendeur comme pour l’acheteur, à la lumière de toutes les composantes de l’opération, notamment à celle des garanties et des éventuels engagements d’indemnisation donnés par le vendeur pour couvrir l’acheteur des risques liés à l’activité reprise.