UBS et ses opérations supposées de «démarchage illicite» en France, après Jérôme Cahuzac et sa «dissimulation» de fraude fiscale: l’année 2018 se confirme comme celle du grand face-à-face entre la justice française et le secret bancaire suisse. L’annonce de la comparution du groupe financier helvétique devant le Tribunal correctionnel, du 8 octobre au 15 novembre a en effet immédiatement suivi la fin du procès en appel de l’ancien ministre socialiste du Budget, dont le jugement interviendra le 15 mai. Ce procès-fleuve, inédit en France pour une banque, devrait se tenir au rythme de trois demi-journées par semaine.

Mises en examen en 2013 et 2014 pour «démarchage illicite», «complicité de démarchage illicite» et «blanchiment aggravé de fraude fiscale» pour la période 2004-2012, UBS AG et sa filiale française comparaîtront sur le banc des accusés aux côtés de six de leurs hauts responsables à l’époque des faits, dont Raoul Weil, ex-numéro trois d’UBS AG. Une audience de procédure aura lieu le 4 juin prochain pour statuer sur différentes objections techniques des défenseurs de la banque.

L’enquête UBS porte sur des avoirs non déclarés estimés à 10 milliards d’euros par la justice. Mené par les juges d’instruction Guillaume Daïeff et Serge Tournaire, ce dossier est, de loin, le plus gros dossier suivi par le parquet national financier, créé en France en décembre 2013 à la suite de l’affaire Cahuzac. Les enquéteurs avaient bénéficié des informations obtenues auprès d'une ancienne employée de la banque, Stéphanie Gibaud (notre photo), ébranlée par le scandale consécutif aux révélations faites en 2007 par l'ex banquier américain Bradley Birkenfeld. 38 000 comptes offshore concernant des clients français avaient pu être tracés grâce aux documents en sa possession.

Après avoir acquitté en octobre 2014 une caution de 1,1 milliard d’euros imposée par la justice française, UBS l’avait contestée en vain devant la Cour européenne des droits de l’homme. Laquelle a jugé en janvier 2017 sa requête «irrecevable».

Des discussions confidentielles ont ensuite eu lieu entre l’établissement et le parquet national financier sur une possible transaction, rendue possible par la nouvelle législation française (loi Sapin II), mais celles-ci ont aussi avorté. La banque HSBC, elle aussi poursuivie, pour blanchiment de fraude fiscale, a en revanche choisi cette option en acceptant de payer 300 millions au fisc français. L’amende encourue par UBS lors du procès peut se monter «jusqu’à la moitié de la valeur ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment», selon le Code pénal.

C procès très attendu coïncidera avec un autre tournant fiscal: l’entrée en vigueur de l’échange automatique d’informations entre la Suisse et la France sur la base des données collectées en 2017. Celles-ci commenceront à être transmises à l’automne, au moment des audiences.