Le ralentissement économique a beau se faire chaque jour plus perceptible outre-Atlantique, dans l'ensemble les sociétés cotées américaines se portent bien. Très bien, même. Entre avril et juin, «Corporate America» a remis les gaz pour dégager un douzième trimestre consécutif de croissance bénéficiaire à deux chiffres. Une occurrence rarissime, rappelle le bureau d'études Thomson Financial. Une telle séquence n'a été observée qu'une fois depuis 1950, entre 1992 et 1995.
Vendredi, quelque 80% des 500 entreprises de l'indice Standard & Poor's avaient dévoilé leurs profits au titre du deuxième trimestre. En moyenne, ils ont progressé de 16,1%, indiquait vendredi Thomson Financial, contre 14,9% au premier trimestre. C'est nettement plus qu'attendu: en avril, le consensus des analystes misait sur 10,9% de croissance.
«Une fois de plus, les bénéfices sont excellents. Et une fois de plus, le marché s'en moque [...], indifférent à la croissance», déplore Ed Yardeni, stratège chez Oak Associates. Pour preuve, le S & P 500 a connu en juillet son premier mois positif depuis avril. Mais sa progression est restée inférieure à celle des Bourses sud-américaines (+1,9%) ou d'Europe (+1,2%). «Les investisseurs continuent de considérer la Bourse américaine comme plus cyclique que les marchés étrangers en dépit de l'extraordinaire croissance bénéficiaire. Nous sommes déçus par ce manque irrationnel d'exubérance [...], les sociétés américaines figurent parmi les meilleures et les moins chères», note le stratège.
La palme du dynamisme échoit une fois de plus au secteur énergétique, dont les bénéfices se sont envolés de 41%, entraînés par le bond du brut à 70,72 dollars le baril en moyenne au deuxième trimestre, un tiers de plus qu'il y a un an. En excluant ce secteur, les bénéfices du reste de la cote auraient progressé d'à peine plus de 11%, estime Thomson Financial. Car la cherté du pétrole exerce aussi un effet déprimant sur le pouvoir d'achat des ménages, comme en atteste le ralentissement à moins de 5% de la croissance dans les biens de consommation durables (+15% au premier trimestre).
Cet affaiblissement ne suffit pas à entamer le moral des analystes: selon le consensus Thomson Financial, la hausse des profits frisera à nouveau 15% au troisième trimestre. Mais, pour Goldman Sachs, «le pic dans la croissance est vraisemblablement derrière nous» et les bénéfices opérationnels décéléreront dès le second semestre pour ne plus progresser que de 6% en 2007. «Ce rythme est inférieur à la tendance de long terme, mais cohérent avec les prévisions d'un fléchissement de la croissance de l'économie à 2,5%, à mesure que ralentiront les dépenses des ménages», observe la banque.