Souffrant d’une petite baisse de régime, la Chine a dévoilé mi-janvier une croissance de 7,7% au cours des trois derniers mois de l’année. Son plus mauvais trimestre en treize ans. Pourtant, la progression reste supérieure à l’objectif fixé par le gouvernement (7,5%). Et, surtout, elle laisse loin derrière les économies développées, en particulier européennes.

Pour les investisseurs, la vigueur de la croissance chinoise ne s’est pourtant pas systématiquement traduite par une bourse flamboyante. Pire, l’an dernier, alors que la progression du PIB était largement positive, la performance de l’indice vedette de la place de Shanghai a reculé de 6,75% (indice Shanghai Composite) et celui de Hongkong (indice Hang Seng) ne s’est élevé que de 2,87%. Le Dax allemand, par ­comparaison, a progressé de 25,48%. Depuis le début de l’année, une grande partie des indices est dans le rouge, mais les pays développés continuent de mener le bal. A l’approche de la fin du mois de janvier, le Dax avait perdu 1,96%, l’indice Hang Seng 5,77% et l’indice Shanghai Composite 3,66%.

Cette absence de corrélation entre croissance et performance des actions, Benoît Descourtieux l’a déjà largement observée. «C’est même l’inverse, et nous appelons cela le paradoxe chinois», explique ce financier français établi à Hongkong et président de la société Oriental Patron. Il précise qu’entre 2002 et 2011, la croissance chinoise a dépassé les 10% en moyenne, tandis que la bourse a produit des rendements annuels inférieurs à 5% par année. Si l’on prend l’Europe et sa croissance à peine supérieure à 2% dans les années 1994 et 1999, ses places boursières ont bondi de plus de 20% par année. Même logique aux Etats-Unis entre 1990 et 1999: avec une croissance annuelle de plus de 3%, Wall Street a vu sa performance légèrement dépasser les 15% par an.

Pas de rentabilité enviable dans les entreprises d’Etat

Pour un investisseur tenté par le marché chinois, les fondamentaux économiques ne sont ainsi peut-être pas le premier critère à prendre en compte. «Il faut déterminer quels sont les titres de qualité, car la croissance des profits peut être un élément trompeur», prévient Benoît Descourtieux. Il arrive souvent que des sociétés fassent état de bénéfices comptables en très forte hausse, alors qu’en réalité leurs profits récurrents sont très faibles, voire inexistants, explique-t-il. En bourse, le parcours s’en ressentira, la performance des titres de «bonne qualité» est ainsi en moyenne le double de celle de «mauvaise» qualité entre 2004 et 2011, a-t-il observé. Un cas à fuir? «Les entreprises d’Etat, qui n’ont souvent pas une rentabilité enviable.» Il juge que 40% des titres qui constituent le marché chinois sont de mauvaise qualité et 30% ne sont pas intéressants. Il se focalise donc sur les 30% restants.

Kenneth Lam, directeur de Quam Asset Management, également basé à Hongkong, a, lui, développé plusieurs stratégies pour s’intéresser à la Chine. Son fonds, considéré comme un véhicule alternatif, mise par exemple sur des événements bien précis qui peuvent servir de catalyseurs pour le cours d’une action. Dans la ligne de mire, les changements opérés par un nouveau management ou une fusion, par exemple. Même un événement négatif peut le conduire à s’intéresser à une action dans la mesure où il peut favoriser un concurrent. Une grande partie de ses investissements sont consacrés à la pharma et à la technologie. La première, parce qu’elle va bénéficier de la classe moyenne grandissante et la réforme de la santé lancée par le gouvernement. Les marges sont en outre élevées et la croissance des bénéfices aussi. Quant à la seconde, elle profite d’une base de clientèle fidèle et croissante. Dont l’utilisation des services Internet va s’accélérer lors du passage de la technologie 2G à la 4G.

Prudence avec le luxe

Joohee An est, elle, basée en Corée où elle gère un fonds de placement en partie investi en Chine et qui se concentre sur les entreprises influencées par la consommation des ménages. Son mot d’ordre est de chercher des entreprises dont le management et la stratégie paraissent de qualité et qui peuvent devenir des leaders locaux. La raison? «L’Asie émergente est un marché très concurrentiel où les marques globales peuvent vite écraser des marques locales», explique-t-elle. C’est pourquoi elle est prudente par exemple quand il s’agit du luxe où les groupes étrangers, bénéficiant de leur histoire, sont difficiles à concurrencer. En revanche, elle s’intéresse davantage aux sociétés liées à Internet, un marché moins facilement accessible notamment pour des raisons de langues, contrairement à l’Inde.

Reste que si l’investisseur croit définitivement au potentiel des actions chinoises, il peut y investir directement avec des produits indiciels. La bourse de Shanghai dans son ensemble est même désormais à la portée de n’importe quel privé, qui peut y aller les yeux fermés désormais très simplement. Enregistré en Irlande, le premier ETF répliquant les actions A a été lancé cette année. A ses risques et périls toutefois.