Raghuram Rajan, un banquier central indien jugé trop américain
politique monétaire
Professeur à Chicago, le nouveau gouverneur prend ses fonctions jeudi. Forte inflation, croissance en déclin, chute de la monnaie, ses défis sont de taille
«Je n’ai pas de baguette magique pour redresser l’économie indienne», a dit d’entrée Raghuram Rajan, lors de sa nomination début août. Le nouveau gouverneur de la banque centrale indienne, la Reserve Bank of India (RBI), prend ses fonctions demain alors que le pays affronte plusieurs vents contraires.
Après plusieurs années de croissance frisant les 10%, le PIB indien est redescendu à 4,4% entre mars et juin. L’inflation peine à s’éloigner des 10%. La roupie a chuté de 8,1% en août alors que les investisseurs s’inquiètent du manque de réformes pour relancer la croissance et des déficits, public et externe, qui se creusent. «Il a beaucoup de bonne volonté, mais les attentes sont très élevées et il arrive à un moment incroyablement difficile», explique Arvind Panagariya, professeur d’économie à Columbia (lire ci-dessous).
Les observateurs sont plutôt bienveillants envers Raghuram Rajan, professeur d’économie à Chicago, ancien chef économiste du Fonds monétaire international et, récemment, conseiller du gouvernement de New Delhi. «Sa réputation le précède. La RBI devrait bénéficier de son intelligence, de ses connaissances approfondies en finance et de son expérience internationale», souligne Gary Dugan, responsable des investissements pour l’Asie et le Moyen-Orient chez Coutts & Co. Ses qualités humaines sont aussi avancées. «Les économistes superstars comme lui sont souvent peu appréciés, arrogants ou dédaigneux. Mais il est gentil et prévenant et il inspire une grande loyauté», dit de lui un étudiant qui l’a côtoyé en cours, cité par le Financial Times.
Tous n’ont pas toujours été aussi indulgents. En 2005, il met en garde contre le danger que l’innovation financière peut faire courir au système. Le monde académique américain le prend de haut. Il est remis à sa place par Lawrence Summers, alors président de Harvard, qui qualifie ses propos de «basiques et légèrement luddites». On connaît la suite.
Trop américain, Raghuram Rajan? C’est ce qu’on lui reproche, en raison d’un parcours qui l’a conduit surtout en Amérique du Nord. Né en Inde, il suit son père diplomate dans plusieurs pays, dont l’Indonésie et la Belgique. Puis retourne dans son pays d’origine où il obtient un diplôme d’ingénieur du très réputée Indian Institute of Technology. Après un MBA, il part aux Etats-Unis et intègre le MIT où il reçoit un doctorat. S’il reste surtout sur la côte Est, il ne prend pourtant jamais la nationalité américaine.
Et sur la politique monétaire, la prudence de Raghuram Rajan tranche avec l’audace de la Fed depuis la crise. «L’assouplissement quantitatif a vraiment été un pas dans l’inconnu. Au vu de toutes les incertitudes, pourquoi les banques centrales, pour qui le terme «innovation» est en fait une épithète, se sont dévêtues de leur habituel conservatisme en l’adoptant?» se demande-t-il dans une analyse reprise par The Hindu.
«Les économistes superstars comme lui sont souvent arrogants ou dédaigneux»