Rainer Ender: «Méfions-nous des mots à la mode»
Finance 2.0
Le capital-investissement profite des taux négatifs. Sa croissance est constante, mais le directeur d’Adveq souligne la diversité du secteur et les profondes mutations en cours

«Fintech, cleantech, nanotech, c’est souvent du buzz», explique Rainer Ender, directeur d’Adveq, l’un des leaders du capital investissement (private equity) en Suisse. Le capital-investissement consiste à l’art de prendre des participations dans des entreprises non-cotées.
Pour ce gérant, directeur des investissements du spécialiste des fonds de fonds zurichois en private equity, il est important de «rester sélectif et d’effectuer un travail d’analyse fondamental». Un travail de fourmi qui semble lui réussir. Le gérant déclare 1 milliard de francs d’argent frais en 2015.
La Fintech est partout
«La branche Fintech est sur toutes les lèvres. Elle traduit une profonde transformation de la finance grâce à l’innovation technologique et l’utilisation massive des données (Big Data). Mais il n’est pas aisé de distinguer les gagnants de demain des start-up qui n’iront pas plus loin, et de savoir quels services s’imposeront vraiment sur le marché», fait valoir Rainer Ender. «Même dans les paiements, le transfert de personne à personne n’est pas encore la règle en Suisse», observe-t-il.
Son analyse des sociétés innovantes dont la valeur a dépassé le milliard de dollars et que l’on nomme «unicorns se veut également «prudente»,». De l’app pour taxis Didi Kuadi à Uber, leur évaluation ne cesse de grimper. Une bulle? «Non», estime Rainer Eider, sans ambiguité. «Il en va de même des sociétés qui s’apprêtent à entrer en bourse. Leur valeur profite des taux extrêmement bas et de la recherche de rendement des investisseurs, mais certaines sociétés continueront de s’apprécier», fait valoir le gérant. Google et Facebook poursuivent effectivement leur impressionnante ascension. Pour sa part, Adveq préfère se concentrer sur le segment «moyen et petit du marché».
Un marché de 4000 milliards
Le marché mondial du capital investissement s’approche des 4000 milliards de dollars, un montant qui correspond environ aux réserves en devises de la Chine.
Le marché croît à un rythme annuel de 12% dans le capital-risque (à 280 milliards de dollars), 5% les rachats de sociétés (290 milliards), 18% le capital-investissement en infrastructures (170 milliards), 13% dans le capital-investissement immobilier (340 milliards), selon une étude sur mandat d’Adveq et réalisée par Michael Jacobides, chercheur auprès de la London Business School et Jason Saavedra du World Economic Forum. Il s’agit d’ailleurs de la cinquième analyse du secteur sponsorisée par le gérant suisse.
La croissance devrait se poursuivre sous l’effet de taux d’intérêt encore longtemps bas. Les caisses de pension doivent partir à la quête de placements rémunérateurs, y compris dans le capital investissement. Les obligations à haut rendement font partie de ces instruments recherchés. Il en va de même des prêts moins liquides et de divers instruments alternatifs intégrés au capital investissement. Depuis un total de 40 milliards en 2008 ces «alternatives» ont bondi à 320 milliards de dollars en 2014, selon Michael Jacobides.
Mais en Suisse, le private equity ne dépasse pas 1,2% des actifs des caisses de pension à la fin 2014. On reste loin des 6,5% des Etats-Unis. «Le travail d’explication est lent et progressif, même si la définition ne porte guère à discussion. L’emploi du private equity n’est d’ailleurs nullement dépendant de la taille», affirme Rainer Ender.
Toutes les catégories d’investisseurs augmentent tout de même leurs engagements dans cette classe d’alternatifs, des fonds souverains aux investisseurs individuels.
Une forte diversité
«L’un des aspects majeurs de la scène du private equity réside dans sa plus grande diversité, année après année, et son caractère fluide», déclare le directeur d’Adveq. Auparavant, ce marché était limité à un petit nombre de participants: l’investisseur institutionnel, le gérant de fonds de private equity et l’entreprise.
Aujourd’hui, les possibilités d’accès au capital-investissement ont décuplé: L’investissement peut être réalisé par des sociétés de private equity, par des investissements directs dans les entreprises ou par des formes intermédiaires. Aux côtés des fonds traditionnels, des caisses de pension disposent parfois de leurs propres services de capital-investissement (CalPERS, par exemple). Des consultants, comme Mercer et Towers Watson, ont aussi fait leur entrée, «même si se pose le problème des conflits d’intérêts», de l’avis de Rainer Ender. Des gérants traditionnels, comme Blackrock et State Street, offrent aussi leurs services. Mais «les fonds de fonds traditionnels de l’industrie restent les acteurs les plus importants pour les investisseurs institutionnels, comme les caisses de pension», selon notre interlocuteur.
Les gérants de fonds de fonds s’adaptent au nouveau paysage du capital-investissement. Ils cherchent, par exemple, à augmenter leurs actifs sous gestion pour réduire les coûts. Ils se lancent dans des nouveaux produits, par exemple des fonds de co-investissements et développent enfin des fonds spécifiques sur une branche ou une région.
En ce qui concerne la performance 2015, le capital-investissement devrait offrir un rendement «bon à très bon», selon Adveq. Les fonds doivent en effet évaluer la valeur des participations à la fin de l’année. Le résultat est audité et publié en mars.