On le dit «déterminé», «tenace» même. Du genre à ne rien lâcher. Passionné de tennis, Antonio Horta-Osorio s’est un jour cassé le bras en jouant une partie. Pas question de s’arrêter. L’homme a deux bras, il suffit de se servir de celui qui reste valide. Le match a repris. La légende ne dit par contre pas s’il l’a gagné.

Lire aussi: Ce qu’il faut retenir des résultats de Credit Suisse

De la détermination, il en faudra à ce banquier portugais qui finit ces jours son mandat à la tête de la banque britannique Lloyds et s’apprête à reprendre la présidence d’un Credit Suisse en lambeaux. Il en faut plus pour abattre l’homme de 57 ans, connu pour vouloir réussir tout ce qu’il entreprend. «Il faut toujours affronter de nouveaux défis, expliquait-il ces jours à Bloomberg. Sinon, on commence simplement à décrépir.»

Pas si différent de Lloyds

Pas de risque ici. La deuxième banque suisse vient d’encaisser une perte de 4,4 milliards de francs en raison de l’implosion du hedge fund Archegos. Elle est prise dans un autre scandale, celui des fonds liés à la société Greensill, en faillite. Des débâcles qui se succèdent depuis plusieurs années et qui coûtent aux actionnaires. En dix ans, sous la présidence d’Urs Rohner, l’action Credit Suisse a été divisée par quatre.

Lire notre éditorial: L’apogée d’un an d’échecs de gestion des risques chez Credit Suisse

«Je pense que c’est un bon choix pour Credit Suisse», estime Estela Barbot. Aujourd’hui consultante senior pour le cabinet Roland Berger, elle a siégé avec lui au conseil d’administration de la banque Santander de Negocios et le connaît bien. Pour elle, la situation n’est pas tellement différente de Lloyds. Au moment où il en a pris les commandes, l’établissement britannique n’était pas particulièrement en bonne santé et il a pourtant réussi à le redresser, argumente-t-elle, soulignant que «c’est un esprit très structuré, assez atypique. Il sait ce qu’il veut, mais il est aussi très pragmatique et perfectionniste.»

Quarante et un mille postes biffés

Un optimisme partagé au Royaume-Uni. «Son expérience dans la gestion des fautes professionnelles à Lloyds lui sera utile chez Credit Suisse, au vu des problèmes dans la gestion des risques auxquels la banque fait face», avance Elisabeth Rudman. La responsable des institutions financières européennes pour l’agence de notation DBRS Morningstar ajoute que, chez Lloyds aussi, certains problèmes ont pesé lourd sur les finances. Non seulement ils ont été gérés, mais la performance opérationnelle de la banque a continué à s’améliorer, avance-t-elle. Sous la direction d’Antonio Horta-Osorio, la banque s’est affranchie de l’aide de l’Etat, intervenu pendant la crise financière, s’est restructurée, fermant certaines entités, mais aussi amaigrie: les effectifs ont été amputés de 40%. Soit plus de 41 000 postes biffés.

Lire également: La présidence «catastrophique» d’un Urs Rohner «blanc comme neige»

Sa passion du travail lui a néanmoins coûté cher à ses débuts chez Lloyds. En novembre 2011, après cinq nuits sans sommeil, il est forcé de se mettre en arrêt maladie pour cause d’épuisement. Cure de sommeil, traitement médical, il est remis sur pied et reprend le travail. Il est resté marqué par cette expérience et attache depuis beaucoup d’importance à la santé au travail. Tout comme à la diversité, souligne Estela Barbot, et ce, bien avant que ce thème ne soit devenu à la mode.

Attentes des actionnaires

En Suisse, l’attente est mêlée d’espoir, notamment du côté des actionnaires qui voulaient le départ d’Urs Rohner, lequel, ironiquement, fait partie de ceux qui ont choisi ce successeur. Rares sont ceux qui le connaissent, mais la plupart se fient à sa bonne réputation. Pas tous, néanmoins. «J’ai de gros doutes. Il n’a aucune expérience dans la gestion de fortune, qui est le cœur de l’activité de Credit Suisse, et il ne connaît rien à la Suisse», souffle un ancien responsable de la banque. «Oui, il sort d’un long mandat à la tête d’une banque de détail britannique, mais il apporte aussi une expérience internationale pertinente au vu de ses différents rôles à Santander et ses débuts dans les marchés de capitaux», tempère Elisabeth Rudman.

Diplômé de l’Université catholique portugaise, à Lisbonne, puis de l’Insead à Fontainebleau – et plus tard en management à Harvard –, Antonio Horta-Osorio a commencé sa carrière à Citigroup au Portugal. Il a atteint le poste de responsable des marchés de capitaux, avant de partir chez Goldman Sachs, à Londres et à New York. C’est en 1993 qu’il entre chez Santander, où il occupe plusieurs fonctions, au Portugal, au Brésil, puis au conseil d’administration de la banque espagnole. Enfin, il est envoyé à Londres pour diriger la filiale britannique du groupe avant d’être happé par Lloyds en mars 2011.

Un homme ponctuel

Antonio Horta-Osorio connaît peu la Suisse. Tout au plus, rappelle un économiste portugais qui le côtoie, son grand-père avait été un élève «distingué» de Vilfredo Pareto à Lausanne, avant de retourner au pays où il est devenu un célèbre avocat d’affaires. Antonio Horta-Osorio saura s’intégrer, assure Estela Barbot. «Il est très international, a vécu dans beaucoup de pays, il parle plusieurs langues, notamment le français, et il s’adaptera, notamment grâce à son extrême ponctualité qui plaira aux Suisses.» Strict, mais pas froid, l’homme est doté d’une grande qualité d’écoute qui l’aidera aussi, ajoute-t-elle.

Tout cela et peut-être aussi une autre de ses passions, les échecs. Car le redressement de Credit Suisse demandera endurance et stratégie.