La régularisation des actifs non déclarés s’accélère
La tâche n’est pas aisée, sauf, bien sûr, pour le cas simple du compte bancaire dormant qui n’a fait l’objet d’aucun mouvement pendant dix ans
En 2010 sont entrées en vigueur les nouvelles règles en matière de dénonciation spontanée. Celles-ci ont apporté deux nouveautés de taille. D’une part, elles ont supprimé toute amende en cas d’annonce spontanée par un contribuable d’une soustraction d’impôts sur le revenu et/ou la fortune (avec toutefois un rappel d’impôt sur dix ans et intérêts de retard). D’autre part, elles ont limité le rappel d’impôt à trois ans pour les héritiers qui annoncent une soustraction commise par le défunt (l’absence d’amende dans ce dernier cas résultait déjà de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme; les intérêts de retard sont également perçus). A cette époque, ces dispositions ont été largement décrites et commentées pour éclairer les contribuables concernés sur les effets de ce régime plus avantageux que par le passé.
Mais depuis, l’attention s’est tournée vers l’étranger d’où sont venues les pressions sur la Suisse, toujours plus importantes, américaines ou européennes, réduisant à peau de chagrin la portée du secret bancaire dans les relations fiscales internationales.
Certes, le secret bancaire demeure aujourd’hui pleinement opposable vis-à-vis des autorités fiscales suisses dans le cadre de la taxation des contribuables en matière d’impôt sur le revenu et la fortune en Suisse. Toutefois, il faut se rendre à l’évidence: l’évolution sur le plan international a fortement marqué les esprits. En effet, les contribuables suisses qui ne déclarent pas une partie de leurs revenus ou de leur fortune apprécient désormais leur propre situation fiscale de manière tout à fait différente. Dans une très grande partie des cas, il n’est plus question de chercher à dissimuler et espérer échapper à tout contrôle. La tendance va clairement vers une multiplication des procédures de dénonciations spontanées, précédées souvent d’une évaluation du coût de cette régularisation.
L’augmentation des dénonciations spontanées a mis en exergue les difficultés rencontrées par les contribuables dans cette procédure. En effet, simple dans son principe, cette démarche peut se révéler complexe en pratique, principalement en raison du rappel d’impôt sur les dix dernières années. En effet, le contribuable est contraint, pour les dix dernières années, d’obtenir la documentation nécessaire, notamment bancaire, et d’examiner les conséquences fiscales des nombreux et divers événements qui se sont déroulés durant cette période. Dans ce contexte, tout élément de fait doit être examiné et qualifié fiscalement: donation, transfert bancaire, réalisation de revenu, de gains en capital ou de pertes, paiement de charges, investissements, etc. La tâche n’est pas aisée, sauf bien sûr pour le cas simple du compte bancaire dormant qui n’a fait l’objet d’aucun mouvement pendant dix ans. Au final, le contribuable doit être en mesure d’expliquer toute variation de fortune, pièces à l’appui. A défaut, une augmentation de fortune peut constituer un revenu imposable, à charge ensuite pour le contribuable de démontrer une éventuelle exonération (par exemple, réalisation d’un gain en capital, ou donation provenant de l’étranger). A l’inverse, toute diminution de fortune pourrait laisser supposer l’existence d’un autre compte non déclaré où les fonds auraient été transférés. Un travail minutieux d’établissement des faits attend donc souvent le contribuable, mais il se révèle en règle générale très précieux puisqu’il facilite celui du fisc qui peut alors procéder à la modification des décisions de taxation sans avoir à demander des compléments d’informations et retarder la fin d’une procédure parfois douloureuse. De plus, il permet également, une fois la situation passée éclaircie, de payer les impôts dus sans devoir attendre une décision du fisc, et d’éviter les intérêts de retard supplémentaires. Cela étant, au regard des cas qui se présentent en pratique, force est d’admettre que le principe d’un rappel d’impôt sur dix ans implique des analyses factuelles et juridiques sur une longue période qui compliquent souvent inutilement une procédure qui devrait être simple, efficace et rapide.
Sous l’angle de la période couverte pour le rappel d’impôt, la situation est plus favorable pour les héritiers. En effet, le rappel d’impôt a été limité à trois ans pour les dénonciations spontanées d’héritiers portant sur les soustractions réalisées par le défunt. Ce rappel d’impôt dit «simplifié» soulève toutefois dans certains cas des problèmes délicats. En effet, en cas de décès d’un conjoint avec enfants, ces derniers souhaitent souvent procéder à une dénonciation spontanée pour éviter de se trouver à leur tour auteurs d’une soustraction d’impôts. Cette démarche ne saurait toutefois en règle générale être entreprise sans la participation du conjoint survivant. En effet, les enfants pourraient mettre ce dernier dans une situation inconfortable puisque le fisc aurait alors connaissance d’éléments de la succession attribuables au conjoint survivant que ce dernier n’aurait pas déclarés. Dès lors, en pratique, la dénonciation des enfants pour les soustractions du parent décédé entraîne souvent celle du conjoint survivant. Cependant, pour ce dernier, soumis jusqu’au décès de son époux à la taxation conjointe, la règle du rappel d’impôt sur trois ans ne s’applique pas nécessairement sur l’ensemble du patrimoine, en particulier si une partie de l’impôt soustrait lui est imputable. En pareil cas, le rappel d’impôt porte donc sur une période de dix ans. Le retour par la petite porte du délai de dix ans pour le rappel ordinaire vient donc compliquer une procédure pour les héritiers qui se voulait «simplifiée».
En conclusion, on constate aujourd’hui que les dénonciations spontanées sont toujours plus nombreuses mais aussi plus complexes à traiter en raison des historiques plus «mouvementés» des éléments non déclarés. On ne peut que déplorer dans ce contexte la période très longue de dix ans applicable pour le rappel d’impôt qui rend la tâche parfois inutilement plus difficile.
* Avocat, Schellenberg Wittmer
«Le contribuable doit être en mesure d’expliquer toute variation de fortune, pièces à l’appui»