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«Sans retour de l’inflation, le taux plancher restera»

«Le Temps» a réuni trois économistes pour analyser les conséquences de la chute du pétrole et les faire débattre des grands événements qui marqueront l’année 2015. Michel Juvet, associé de Bordier, Valérie Lemaigre, cheffe économiste de la Banque Cantonale de Genève, et Fabrizio Quirighetti, responsable des investissements de la banque Syz, par ailleurs chroniqueurs dans ces colonnes, y ont participé

«Sans retour de l’inflation, le taux plancher restera»

Le Temps: En atteignant 1,9% sur les neuf premiers mois de l’année, la croissance de l’économie suisse a surpris les analystes. Quelles sont vos perspectives pour 2015?

Fabrizio Quirighetti: La Suisse reste mieux armée que la zone euro. Mais le ralentissement allemand et chinois pèsera sur l’activité.

Michel Juvet: La Suisse a déjà ralenti d’ailleurs. Et son taux de croissance se rapproche de celui de la zone euro.

Valérie Lemaigre: Avec ce troisième trimestre exceptionnel, la croissance annualisée atteint 1,9%. Le quatrième trimestre devrait également être bon, notamment parce que les chiffres de l’exportation en octobre se sont révélés exceptionnels. D’ailleurs, il faudrait qu’ils soient vraiment très mauvais pour qu’ils plombent la moyenne annuelle.

M. J.: Cela m’étonne. Quelles sont vos prévisions pour 2015?

V. L.: La croissance ne s’accélérera pas beaucoup. Nous atteindrons 2% cette année, puis 2,2% l’année prochaine.

M. J.: 2,2%? Comment est-ce possible?

V. L.: Une croissance proche des niveaux actuels sans accélération avec des exportations qui soutiennent l’investissement.

F. Q.: Je suis moi aussi étonné, je ne pense pas que les exportations apporteront une contribution suffisamment importante l’année prochaine.

V. L.: Selon mes prévisions, ce sera le cas. Et c’est bien, mais une croissance stable ne suffit pas, il faut des accélérations, surtout pour la tendance des marchés financiers. Ce ne sera pas le cas, ni en Europe, ni aux Etats-Unis, ni en Suisse.

– A-t-on surestimé les effets négatifs de la votation du 9 février dernier contre «l’immigration de masse»?

V. L.: Cet effet n’est pas encore inclus dans les prévisions.

M. J.: On ne peut pas encore l’anticiper, l’effet se manifestera dans deux ans.

V. L.: On peut voir en revanche que, si les entreprises ne changent pas leurs plans à court terme, elles réfléchissent déjà à moins investir à moyen terme.

– La Banque nationale suisse (BNS) a dû introduire des taux d’intérêt négatifs, qui prendront effet le 22 janvier. Le taux plancher entre l’euro et le franc restera-t-il un sujet pendant toute l’année 2015?

M. J.: Tant qu’il n’y a pas d’inflation, on ne peut pas en sortir. Même avec 2% de croissance l’an prochain, l’inflation ne décollera pas.

F. Q.: Et avec la BCE qui prépare son QE pour fin janvier, la pression ne faiblira pas pour la BNS.

– Collé au plancher depuis quelques semaines, peut-on encore considérer le franc comme sur­évalué?

F. Q.: Oui, mais moins que lorsque la BNS a introduit le taux plancher il y a un peu plus de trois ans. Cette évolution s’explique par le différentiel d’inflation. Comme ce taux demeure plus faible en Suisse qu’en Europe, l’écart se réduit.

V. L.: Oui, d’après la parité du pouvoir d’achat, le taux de change devrait être à 1,25 franc pour 1 euro pour atteindre l’équilibre. En se basant à la fois sur la position extérieure des comptes courants, sur le différentiel de taux d’intérêt et sur le différentiel d’inflation, l’équilibre avoisine 1,20 franc pour 1 euro.