Les robots conseillers qui se disputent le marché suisse
Placement et technologie
Trois plateformes occupent le devant du terrain en Suisse. Swissquote propose la solution la plus sophistiquée. True Wealth et Investomat misent sur une offre simple et à très faibles coûts

Les plateformes permettant d’automatiser la gestion et le rééquilibrage d’un portefeuille en fonction du profil de risque choisi par le client ont le vent en poupe. Au point que même des établissements financiers classiques, à l’exemple de banques cantonales de Glaris ou de Bâle-Campagne, proposent désormais un service de «robot conseiller» à leurs clients. Trois plateformes dominent ce créneau.
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La solution de gestion de fortune «ePrivateBanking» proposée par Swissquote est la plus sophistiquée, mais aussi la plus chère. De leur côté, les plateformes alémaniques True Wealth et Investomat misent sur une automatisation très prononcée, avec un choix d’instruments aussi plus restreint, afin de minimiser les coûts. S’y ajoute l’offre de VZ Vermögenszentrum, qui propose une solution de gestion de fortune avec des ETF, «basée sur des règles fixes et selon le principe de la force relative». Cette offre s’apparente toutefois plus à un programme d’investissement qu’à une plateforme de robot conseiller.
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Définir le profil de risque
Quelle que soit la plateforme choisie, la définition du profil de risque du client est une étape incontournable. Pour investir à l’aide du robo-advisor de Swissquote (ePrivate Banking), il faut ouvrir un compte et signer un mandat de gestion avec les algorithmes qui le composent, indique Serge Kassibrakis, responsable de la gestion quantitative de la banque en ligne: «Le client doit auparavant répondre à une série de questions comme nous le demande la Finma, pour déterminer le risque maximal qu’il sera autorisé à prendre».
Ensuite commence véritablement l’enregistrement de ses paramètres dans le système. «Il s’agit tout d’abord d’indiquer le montant à investir, la monnaie de référence, l’utilisation d’une couverture sur devise ou pas, enfin la fréquence des rebalancements, qui garantissent qu’à intervalle régulier le portefeuille est bien positionné sur la frontière efficiente. En outre, la réallocation peut s’enclencher automatiquement dès que le risque du portefeuille dépasse celui qui a été décidé par le client», poursuit-il.
Swissquote permet un haut degré de personnalisation
Le client va ensuite pouvoir déterminer son univers de placement, ajoute Serge Kassibrakis: «C’est dans ce cadre qu’il peut intervenir s’il souhaite personnaliser sa gestion en demandant à l’algorithme de surpondérer ou de sous-pondérer des secteurs ou des pays. En s’appuyant sur le cadre théorique développé par Markowitz – mais dans lequel le rendement espéré est remplacé par l’approche de type momentum tandis que le critère de la conditionnal Value at Risk (CVaR) se substitue à la volatilité –, l’algorithme constitue le portefeuille optimal qui correspond aux paramètres du client», explique-t-il.
Par ailleurs, le robo-advisor de Swissquote est également composé d’un algorithme qui intervient en amont de l’optimizer: «Cet étage algorithmique s’appuie sur un cycle économique, construit à partir d’une multitude d’indicateurs macroéconomiques, comme le taux de croissance dans chaque pays, les taux de change, etc. Cela nous permet de déterminer des phases dans lesquelles il faut surpondérer les classes d’actifs volatiles ou au contraire surpondérer celles qui le sont peu. Nous ne sommes donc pas dogmatiques avec des allocations prédéfinies comme 60% d’actions et 40% d’obligations.»
Chez Swissquote, le client peut modifier sa stratégie en cours de vie. Il n’y a donc pas une performance, mais des performances!
À la question sur la performance, Serge Kassibrakis répond: «Alors que nos concurrents ont fait le choix de définir en amont un certain nombre de portefeuilles, de 10 à 20, dans lesquels vous allez investir en fonction de certains paramètres, essentiellement de votre niveau de risque, nous avons adopté l’approche opposée. Chaque client est unique et nous allons l’aider à construire la stratégie qui lui correspond le plus et qui est par définition également unique. De plus chez Swissquote le client peut modifier sa stratégie en cours de vie. Il n’y a donc pas une performance, mais des performances!»
True Wealth, le challenger des banques…
True Wealth, fondée par Felix Niederer, revendique le côté entièrement automatisé de son approche qui lui permet de maintenir ses coûts à un niveau très faible, soit 0,5% de frais de gestion par an tout compris. L’ingénieur de formation résume le processus de placement en trois étapes: d’abord, le profil du client est défini sur la base d’un questionnaire qui évalue sa tolérance envers le risque. Puis, l’utilisateur détermine une allocation d’actifs qui correspond à ses objectifs de placement.
Ensuite, le système procède à intervalles réguliers au rééquilibrage du portefeuille en fonction de l’évolution des marchés afin de maintenir l’allocation initiale. «Si, par exemple, un client a défini une part maximale en actions suisses de 20%, le système revendra automatiquement des titres si leur valeur a entre-temps augmenté fortement afin de maintenir l’allocation de départ», explique-t-il. Les portefeuilles sont analysés deux fois par semaine.
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Sur le long terme, le market timing ne fonctionne pas. L’intelligence collective du marché est la meilleure base de décision
En cas de baisse importante sur les marchés, le système achètera-t-il automatiquement davantage de titres? «Oui, c’est même la promesse que nous faisons à nos clients», souligne Felix Niederer. Selon lui, le fait de garder constamment une proportion fixe d’une catégorie de titres dans le portefeuille – par exemple 20% –, permet à l’utilisateur d’acheter des titres à un prix plus bas, lui donnant l’occasion de tirer parti d’un rebond des marchés quand la bourse se ressaisit. Il juge inutile d’y ajouter des interventions supplémentaires basées sur des analyses d’experts externes. «Nous n’avons pas besoin de conseillers ou de stratèges coûteux. Sur le long terme, le market timing ne fonctionne pas. L’intelligence collective du marché est la meilleure base de décision», est-il convaincu.
… qui a fini par s’y associer
Deux ans après ses débuts, la plateforme a toutefois crû à un rythme modéré. Elle compte plus de 1000 clients et quelque 53 millions de francs d’avoirs sous gestion, selon des chiffres récents cités par la NZZ. C’est dans ce contexte que True Wealth a annoncé l’été dernier la conclusion d’un partenariat avec la Banque cantonale de Bâle-Campagne (BLKB). La plateforme sera proposée comme un module supplémentaire qui complétera celle de la banque cantonale à partir de la mi-2017.
«Notre solution sera directement intégrée dans l’offre de e-banking proposée par la BLKB. Cela comporte plusieurs avantages pour l’utilisateur. Un client de la BLKB ne doit pas s’inscrire à nouveau pour pouvoir utiliser True Wealth. De plus, la BLKB reste la banque de dépôt. Elle peut ainsi garder ses clients et ses actifs sous gestion, tout en pouvant proposer un service supplémentaire à sa clientèle», souligne-t-il.
Investomat élargit sa gamme avec des fonds thématiques
De son côté, la Banque cantonale de Glaris (GLKB) dispose avec Investomat de sa propre solution de gestion de fortune automatisée, qu’elle propose aussi à des clients de régions tierces. La plateforme compte même surtout des clients provenant hors de Glaris, indique Marcel Stauch, responsable de la distribution et de la numérisation des services en ligne chez la GLKB. «C’est un segment qui compte des clients habitués à gérer eux-mêmes leurs activités en ligne», observe-t-il. Outre les deux étapes habituelles (évaluation de la tolérance au risque, détermination des objectifs de placements), le rééquilibrage du portefeuille est effectué au minimum deux fois par année. Le fait que l’allocation d’actifs soit modifiée ou non ne change rien à la structure de coûts qui reste de 0,6% par an tout compris, précise le responsable.
A la différence d’autres plateformes qui investissent surtout via des fonds indiciels (ETFs) basés sur des indices globaux, Investomat propose aussi à ses utilisateurs un choix d’indices thématiques. A l’exemple d’ETFs sur l’or ou les énergies renouvelables. «Pour une stratégie standard, le portefeuille d’un client comprend typiquement entre 10 et 20 ETFs en moyenne», illustre-t-il. Typiquement, les clients commencent avec de petites sommes, par exemple 10 000 francs, et versent ensuite davantage d’argent.
Le client détermine les thèmes figurant dans l’allocation d’actifs. Nous nous chargeons de la mise en œuvre
Le choix des ETFs figurant dans un portefeuille n’est pas effectué de manière entièrement automatisée. «Parfois, nous décidons de changer d’ETFs, si par exemple il y a eu de grands changements sur les marchés ou si leur valeur s’est trop écartée de l’indice. Nous avons un comité d’investissement qui réexamine à intervalle régulier le choix des ETFs», précise-t-il. «Le client détermine les thèmes figurant dans l’allocation d’actifs. Nous nous chargeons de la mise en œuvre», résume-t-il.
Investomat restera entièrement sous contrôle de la GLKB. «Il n’est pas prévu que nous proposions notre plateforme sous licence à des établissements tiers. La seule exception est un plan d’épargne proposé par Moneypark (ndlr: rachetée en partie par Helvetia), qui est basé aussi sur la même technologie», souligne Marcel Stauch.
Collaboration: Pierre Novello
Les offres en comparaison
Fonctionnant avec des approches différentes, les solutions de gestion automatisée proposées par Swissquote, True Wealth et Investomat diffèrent aussi en termes de coûts. Question frais, Swissquote indique un coût forfaitaire allant de 0,95% à 1,25%, tout compris (frais de transaction, frais de garde et commission de gestion). Accessible à partir d’au moins 20 000 francs, la plateforme «ePrivateBanking» de la banque en ligne rassemble aussi le plus grand volume avec une masse sous gestion de plus de 100 millions de francs à fin 2016.
Avec un peu plus de 50 millions d’actifs sous gestion, True Wealth joue la carte des tarifs plancher. Elle exige un coût forfaitaire annuel de 0,5%, sans aucun frais initial. L’investisseur doit placer au moins 8500 francs. A peine plus chère avec un coût forfaitaire annuel de 0,6%, Investomat requiert un minimum de 5000 francs.
A l’exception de l’offre de Swissquote qui permet aussi d’inclure des actions individuelles dans le portefeuille, les deux autres plateformes investissent uniquement au moyen d’ETFs. (YH)