Scott Miller, ambassadeur des Etats-Unis à Berne: «Nous respectons le rôle de la Suisse dans la recherche et le gel des actifs russes»
Sanctions
Présent à la remise du Prix Gallatin à l’entrepreneur Hansjörg Wyss, le représentant de l’administration américaine pour la Suisse et le Liechtenstein se distancie de la position du milliardaire Bill Browder. Celui-ci accuse Berne de manquer de zèle dans sa chasse aux avoirs russes

L’audition d’un milliardaire au Capitole dans un sujet lié à la place financière suisse éveille très vite des signaux d’alarme dans les esprits helvétiques. Les critiques virulentes de Bill Browder devant la Commission Helsinki la semaine dernière ne sont ainsi pas passées inaperçues en Suisse.
En s’appuyant sur l’affaire dite Magnitski, l’homme d’affaires britannico-américain accuse Berne de montrer bien trop peu d’empressement pour geler les fortunes des oligarques russes sanctionnés. Sa position est partagée par certains élus fédéraux de gauche qui dénoncent un manque de transparence et de zèle dans la recherche et le gel des avoirs détenus en Suisse par des personnalités russes sanctionnées. Le sujet sera débattu lors de la prochaine session parlementaire, en juin.
Après l’affaire des fonds juifs en déshérence dans les années 1990, puis le différend fiscal qui a provoqué la mort du secret bancaire dans les années 2010, faut-il craindre une nouvelle attaque américaine sur la place financière suisse? Présent à la cérémonie de remise du Prix Gallatin au philanthrope suisse Hansjörg Wyss, mardi soir à Genève, l’ambassadeur des Etats-Unis pour la Suisse et le Liechtenstein calme plutôt le jeu.
Le Temps: Comment interprétez-vous les critiques de Bill Browder sur le respect des sanctions adoptées en Suisse à la suite de l’agression russe en Ukraine?
Scott Miller: Tout d’abord, j’aimerais préciser que la Commission Helsinki est une commission indépendante qui n’a pas de compétences constitutionnelles et qui n’est pas une entité officielle gouvernementale. Elle relève du Congrès. Elle se réunit occasionnellement pour des auditions et des comptes rendus sur la situation internationale. Ma compréhension est que certaines personnes voulaient s’y exprimer. Cela ne représente pas la position du gouvernement américain, ni de l’administration du président Biden. Et cela ne correspond certainement pas à mon expérience ici en Suisse où il y a eu une adoption rapide des sanctions et un travail quotidien pour trouver les actifs [russes, ndlr] et les geler.
Lire encore: Accusée de traîner dans sa traque aux oligarques, la Suisse est sous pression
Mais comment évaluez-vous ce travail? Les critiques de Bill Browder reposent surtout sur l’affaire Magnitski, classée partiellement il y a un an par le Ministère public de la Confédération.
Justement. Nous respectons le rôle que la Suisse joue actuellement dans la recherche et le gel des actifs russes. C’est un paquet de sanctions d’une magnitude et d’une ampleur que, pour être franc, le monde n’a jamais vu. Et nous sommes touchés par l’effort que nos partenaires au gouvernement suisse ont été capables de faire jusqu’à présent. Et nous continuons de travailler avec eux, espérons au travers de task forces [un groupe international a été lancé à l’initiative des Etats-Unis en mars dernier auquel la Suisse ne s’est pour l’heure pas associée, ndlr], mais aussi au travers des discussions que nous entretenons. Le sous-secrétaire d’Etat au Trésor, Brian Nelson, était récemment ici pour rencontrer ses contacts au sein du Conseil fédéral.
Avez-vous été en contact avec l’administration Biden au sujet des critiques de Bill Browder. Si oui, quelle est leur position?
Absolument. Tout le monde sait que la Commission d’Helsinki fait partie intégrante de la démocratie et nous chérissons la liberté d’expression de chacun de faire part de ses inquiétudes. Mais comme je l’ai dit plus tôt, cela ne représente pas la position du gouvernement.
En Suisse, il y a une crainte de faire l’objet d’une attaque politique comme ce fut le cas lors du différend fiscal ou de l’affaire des fonds juifs en déshérence. Pouvez-vous nous assurer que ce ne sera pas le cas?
Je ne peux pas faire de promesses car je ne représente pas toutes les branches du gouvernement. Mais de mon point de vue et du point de vue des représentants du président Biden, ce que je vois, ce sont d’immenses progrès et des opportunités dans notre partenariat avec le gouvernement suisse pour trouver ces avoirs russes et les geler.
Lire aussi: Les pressions américaines rappellent de sombres souvenirs aux banques suisses