Tout dépendra de la crédibilité de l’exercice. Et cela n’a pas échappé à Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE). L’institution doit conduire dès l’an prochain un test de la résistance des banques à d’éventuels chocs financiers (stress tests). Or, des établissements devront échouer «pour prouver la crédibilité» de l’examen, a expliqué l’Italien dans une interview accordée à Bloomberg.

D’ailleurs, trop de banques européennes ont survécu à la crise, selon le président de l’Autorité bancaire européenne (EBA), qui collaborera à ces tests de résistance. Andrea Enria a expliqué dans un entretien à la Frankfurter Allgemeine Zeitung qu’à peine 40 ont disparu en Europe, contre environ 500 aux Etats-Unis. «Les gouvernements ont voulu maintenir en vie leurs banques, et cela a freiné le processus de convalescence» du système financier, a-t-il assené.

Les régulateurs du Vieux Continent en veulent-ils aux banques? Avant de prendre en main la responsabilité de l’union bancaire dès novembre 2014, la BCE veut surtout s’assurer de bien savoir ce qui se cache dans les bilans des 128 banques les plus importantes de la zone euro et être complètement au fait de leur état de santé. Les analystes ont largement applaudi la décision de passer ses établissements au crible et, plus encore, que ce soit la BCE qui s’y attelle. «Souvent, les régulateurs nationaux sont trop proches des banques qu’ils surveillent. Il est donc rassurant qu’une entité supranationale se charge du travail», explique Cédric Tille, professeur d’économie à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), à Genève.

«Aujourd’hui, la volonté politique de faire le ménage est plus forte parce que la crise est allée jusqu’au cœur de la zone euro. Cela s’est également traduit par l’intention de mettre en place l’union bancaire», ajoute Nicolas Véron, économiste à l’institut Bruegel, à Bruxelles. Pour lui, les examens à venir sont d’autant plus crédibles qu’ils reposent désormais sur un cadre juridique. Ainsi, la BCE pourra, contrairement à l’EBA jusqu’ici, contraindre les régulateurs nationaux et les banques à leur donner des informations si ceux-ci rechignent à le faire. C’est également la fin de certains traitements de faveur. «Les Espagnols ne pourront plus restructurer les prêts non performants afin d’éviter des provisions pour les arriérés de paiement supérieurs à trois mois», illustre Loïc Bhend, analyste financier à la banque Bordier & Cie. Il cite également l’exemple de Dexia, considérée lors du dernier test de résistance juste avant son sauvetage comme bien capitalisée parce qu’on ne prenait pas en compte les moins-values latentes sur le portefeuille d’investissements, qui auraient pourtant montré des fonds propres négatifs.

Ce n’est pas la première fois que la santé des instituts bancaires est scrutée par le régulateur. Deux exercices ont déjà eu lieu depuis la crise de 2008. Avant d’être rapidement tournés en ridicule. Le premier a jugé les banques irlandaises en pleine santé, avant que le secteur s’effondre à peine quelques mois plus tard. Le second a fait la même erreur avec des établissements espagnols. Les critères de la cuvée 2014 seront connus d’ici à la fin du mois de janvier, les tests commenceront ensuite et les résultats sont attendus pour octobre. Un examen des bilans des banques (Asset Quality Review) a, lui, déjà commencé. D’ailleurs, les banques de la zone euro ont déjà amélioré la robustesse de leur bilan depuis l’an ­dernier en augmentant leur capital et leurs provisions, a noté ­Mario Draghi, estimant ainsi que «l’exercice est déjà en train de produire des résultats». Il apparaît en outre que les banques ont accéléré ces dernières semaines le remboursement anticipé des emprunts dits «LTRO» contractés auprès de la BCE fin 2011 et début 2012. L’institution avait mis à disposition des prêts illimités pour une durée de trois ans et à un taux d’intérêt de 1% pour réapprovisionner le secteur en manque de liquidité.

La branche ayant renforcé son assise financière, on pourrait imaginer que les échecs soient plutôt rares. «Les banques ont fait énormément de progrès, mais il reste du travail», estime Loïc Bhend. Cédric Tille n’y croit pas non plus: «On a caché la poussière sous le tapis depuis des années, le secteur n’a pas été assaini.» Il voit des risques en Espagne, en Italie et pour quelques petits instituts allemands. La situation n’est pas claire pour les établissements français. Ces derniers sont d’ailleurs dans le viseur du Centre pour la gestion du risque (CRML) de HEC Lausanne, qui les considère comme les moins bien capitalisés d’Europe. «En Suisse, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, le ménage a été mieux et plus rapidement fait, car il s’agit de places qui dépendent grandement des banques et où elles posent un risque systémique plus inquiétant», ajoute Cédric Tille.

Malgré l’enthousiasme entourant les prochains tests de résistance, quelques points en suspens suscitent le doute. Nicolas Véron évoque en particulier «le flou complet» qui règne quant à la façon dont seront traitées les banques identifiées comme sous-capitalisées. Est-ce l’Etat concerné qui devra mettre la main au portefeuille? Ou le Fonds européen de stabilité financière pourra-t-il intervenir? «Nous n’avons pas la garantie absolue que l’objectif – le retour de la confiance – sera atteint», conclut-il. Car c’est là tout l’enjeu dans une zone euro où la croissance reste décevante: restaurer la confiance dans le secteur bancaire afin de permettre à l’économie de montrer davantage de dynamisme.

«La volonté politique de faire le ménage est plus forte car la crise est allée jusqu’au cœur de la zone euro»