Alors que l’entraide internationale en matière fiscale continue à faire débat (lire en page 11), une récente décision du Tribunal fédéral montre à quel point il est important de faire les choses bien, dans les règles, dans notre pays. Entre 2015 et 2016, près de 80 banques suisses ont transmis les noms des clients américains qu’elles servaient après le 1er août 2008. Fortement encouragées par les autorités suisses, elles participaient à un programme de régularisation de cette clientèle, annoncé en août 2013 par le Département américain de la justice (DoJ).

En novembre 2013, le président du gérant d’actifs zurichois Swisspartners a fait la même chose, révèle le site Gotham City. L’homme s’est rendu à New York pour donner une clé USB contenant 109 noms à un avocat, qui devait les apporter au DoJ. Ce transfert de données couvertes par le secret bancaire a permis à Swisspartners de conclure un accord de non-poursuite avec le DoJ, moyennant le paiement de 4,4 millions de dollars. Le même type d’accord que celui trouvé (ou plutôt subi) par les établissements ayant participé au programme de régularisation.

Une zone grise juridique

Sauf que Swisspartners n’a pas participé à ce programme et son président n’avait pas demandé d’autorisation au Département fédéral des finances, ni au surveillant des sociétés de gestion indépendantes, l’Association suisse des gérants de fortune (ASG). Résultat, il a été poursuivi pour actes exécutés sans droit pour un Etat étranger, ce qui est passible de 3 ans de prison. En septembre 2017, le Ministère public de la Confédération (MPC) lui a infligé une amende de 10 000 francs. Sanction que le patron de Swisspartners a contestée devant le Tribunal pénal fédéral, qui l’a acquitté en mai 2018. Le MPC a alors fait recours auprès du Tribunal fédéral, qui l’a accepté, dans une décision publiée le 19 décembre (6B_804/2018).

Le patron de Swisspartners pensait avoir agi légalement car, selon ses avocats, il n’avait pas livré ces noms en parallèle à une demande d’entraide des Etats-Unis. Le Tribunal fédéral a examiné la chose sous un autre angle: le président de Swisspartners savait-il qu’il enfreignait la loi? Avait-il «un sentiment indéterminé de faire quelque chose de mal»? Le financier n’avait pas agi à la hussarde, mais s’était appuyé sur deux avis d’experts. Des avis «incomplets et peu fiables», selon la Cour suprême, et qui n’excluaient pas une violation du Code pénal. L’accusé, avocat lui-même, a donc agi dans une zone grise, sur la base d’informations ambiguës. Ce qui aurait dû le pousser à faire appel aux autorités, concluent les juges de Mon-Repos.