La cotation de plusieurs titres a été retardée ou suspendue. Face au désarroi des investisseurs, Wall Street a même suspendu les échanges durant quinze minutes après l’effondrement de 7% de l’indice phare du marché américain (S&P 500). Partout, des replis extrêmement violents ont été enregistrés. BP a chuté de 30%, puis limité les dégâts à 20%. En Suisse, l’indice SMI des actions suisses, perçu comme défensif par les professionnels, a cédé 5,55%. Credit Suisse a perdu 12,86%. Même l’or, que les investisseurs privilégient comme valeur refuge, a baissé (-2%).
Plongeon du cours du pétrole
«Cela me fait penser à la crise de 2008. La Réserve fédérale avait aussi baissé ses taux directeurs avant le grand plongeon des actions et, d’ailleurs, avant la faillite de Lehman Brothers», se souvient John Plassard, un vétéran des marchés, spécialiste en investissements auprès de la Banque Mirabaud.
Le sauve-qui-peut est causé par la baisse de 30% du prix du baril de pétrole, la plus forte depuis la guerre du Golfe en 1991. L’or noir réagit au refus russe, la semaine dernière, de céder aux requêtes de l’OPEP et de réduire sa production pétrolière. Après le «niet» de Vladimir Poutine, l’Arabie saoudite a décidé unilatéralement d’ouvrir ses robinets et de faire baisser ses prix. La chute du brut est la plus forte en l’absence d’une guerre.
Les investisseurs du monde entier se montraient très nerveux depuis plusieurs semaines quant aux effets économiques du coronavirus. Ce nouveau chapitre pétrolier a joué l’effet d’une allumette jetée dans un baril de poudre.
Révision des prévisions économiques
L’interaction entre la propagation du virus et ses effets économiques rend la crise «atypique par rapport aux multiples événements de panique de l’histoire des marchés financiers», selon John Plassard.
Les marchés sont en train de s’ajuster à des événements, sanitaires et économiques, plus douloureux qu’attendu. Le Covid-19 ne concerne plus seulement la Chine, la Corée du Sud et l’Italie, mais il s’est maintenant propagé dans le reste du monde. «Le pic des infections pourrait n’intervenir qu’en avril ou en mai», indiquent les analystes de la banque américaine Morgan Stanley.
Dans certains pays, comme les Etats-Unis, la crise devient même politique. La propagation s’accompagne de vives critiques sur la façon dont Donald Trump gère l’épidémie. Cela pourrait remettre en cause la réélection du républicain, jusqu’ici jugée acquise par les marchés financiers.
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L’impact économique s’aggrave aussi de jour en jour. «La reprise est renvoyée du deuxième au troisième trimestre 2020», selon Morgan Stanley. La banque américaine ne prévoit plus une croissance de 0,8% en Europe au deuxième trimestre, mais une stagnation. Le niveau des marchés financiers indique que le risque de récession mondiale est compris entre 60 et 70%, estime Paul O’Connor, gérant auprès de Janus Henderson.
Vers un rebond ou la suite des ventes?
«Ce n’est pas le moment d’augmenter la part en actions du portefeuille, mais plutôt de réduire le risque», avance Emmanuel Ferry, directeur des investissements auprès de la Banque Pâris Bertrand.
La chute de lundi est, à son avis, «un choc atypique, déflationniste, profond et immédiat». En effet, elle n’intervient pas à la suite d’un resserrement des taux d’intérêt ou d’un chômage en hausse, mais de considérations techniques (baisse des valorisations par exemple). C’est le début d’un mouvement déflationniste qui, s’il devait s’auto-entretenir, pourrait être très négatif.
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L’histoire des marchés laisse espérer un rebond. Après une chute hebdomadaire de plus de 10% de l’indice Dow Jones des valeurs américaines, le gain moyen a atteint 1,1% au cours des quatre semaines suivantes et 7,5% après six mois, selon le magazine Barron’s.
La réponse viendra des possibles politiques de relance monétaire et budgétaire. La Fed a annoncé lundi qu’elle allait porter à au moins 150 milliards de dollars quotidiens les montants qu’elle injecte dans le marché monétaire. D’autres mesures pourraient être prises.