Le franc est devenu, le 9 novembre, la douzième devise – après le dollar, l’euro, la livre sterling ou encore le yen – à pouvoir être échangée directement contre le renminbi (ou yuan). Une bonne nouvelle pour les investisseurs suisses qui n’auront donc plus besoin, lorsqu’ils voudront acheter ou vendre des titres chinois, de passer par le dollar. Une bonne nouvelle également pour les entreprises suisses qui pourront faire du commerce de manière plus efficace avec leurs contreparties chinoises, soulignent les experts.

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La nouvelle a été annoncée le 10 novembre par la Banque populaire de Chine (PBOC) et la Banque nationale suisse (BNS). «La banque centrale de Chine a donné son accord au lancement de l’échange direct de renminbi contre des francs sur la plateforme officielle chinoise d’échange de devises, a expliqué cette dernière dans un communiqué. La fixation d’un cours de change direct entre le renminbi et le franc contribue à réduire les frais de conversion à la charge des opérateurs sur les marchés. Cela facilitera et favorisera dès lors l’utilisation du renminbi dans les opérations transfrontières entre les entreprises et les établissements financiers», a-t-elle poursuivi.

Un cours de référence sera publié chaque jour après consultation des acteurs du marché, a précisé l’opérateur du China Foreign Exchange Trade System. Les autorités chinoises continueront par ailleurs d’encadrer la convertibilité de leur monnaie qui ne pourra fluctuer face au franc qu’au sein d’une fourchette de plus ou moins 5%, contre 2% pour le dollar.

Dans la foulée de cette annonce, HSBC a annoncé avoir obtenu l’autorisation de la part des autorités chinoises pour devenir le premier «market maker» pour ce qui concerne les échanges de renminbi et de franc sur le marché interbancaire des devises. L’établissement britannique devrait bientôt être rejoint par la China Construction Bank (CCB), qui vient d’obtenir une licence bancaire pour sa filiale à Zurich (qui devrait ouvrir ces prochaines semaines).

«Nous travaillons avec acharnement pour que la Suisse devienne un centre de compensation en renminbi pour nos clients chinois et locaux, a expliqué David Gong, directeur de la succursale zurichoise, lors d’une récente conférence à Genève, selon des propos rapportés par swissinfo. Notre objectif est d’offrir des services bancaires commerciaux traditionnels, comme des dépôts, des prêts syndiqués et du financement d’entreprise.»

De son côté, Franco Morra, directeur général d’HSBC Private Bank (Suisse), se réjouit que sa banque participe à l’internationalisation du renminbi. «En nous appuyant sur notre héritage asiatique, nous allons permettre aux échanges commerciaux de se faire directement dans ces deux monnaies et ainsi contribuer au renforcement des liens d’investissement entre les deux pays», explique-t-il au Temps.

Concrètement, que change ce nouvel accord pour les investisseurs suisses? «Ceux-ci pouvaient déjà acheter des actions chinoises grâce à un système instauré en 2013 qui leur permettait d’accéder à la bourse de Shanghai (environ 500 titres sur le marché des «A-Share») en passant par des opérateurs licenciés installés à Hongkong, rappelle Tian Rencan, directeur d’UBP Investment Management à Shanghai. Désormais les banques ou les gérants qui feront ces opérations en leur nom n’auront plus besoin de passer par le dollar, ce qui conduira à une baisse des frais de transaction», poursuit-il.

Cette évolution des relations financières entre la Chine et la Suisse s’inscrit dans la volonté des autorités chinoises d’internationaliser leur devise nationale (lire ci-dessous). La Suisse, qui a exporté pour l’équivalent de 6,4 milliards de francs vers la Chine entre les mois de janvier et de septembre, a tout mis en œuvre pour tenter de devenir un hub européen du négoce de renminbi. Le 21 juillet 2014, trois semaines après la signature d’un accord de libre-échange entre les deux pays, la BNS et la PBOC ont ainsi conclu un accord de swap leur permettant d’acheter et de racheter des renminbis (et des francs) pour un montant maximal de 150 milliards de yuans (21 milliards de francs) par an.

Dans un récent article publié sur le site de Credit Suisse, Christine Schmid, responsable Global Equity au sein de la banque, souligne que ces avancées bénéficieront à de nombreux égards à la place financière et économique suisse. Mais aussi aux clients chinois. Ceux-ci «auront accès à des services de transactions traditionnels, mais aussi à des services en renminbi comme des financements commerciaux, des fonds du marché monétaire négociés en bourse ou des opérations sur le marché des capitaux, explique-t-elle. Des services de gestion d’actifs, de fortune et des risques seront également proposés.»