Leader mondial de la gestion de fortune privée transfrontalière, avec une part de marché de 25%, la Suisse voit son avance fondre face à plusieurs places financières, dont Singapour. La ville-Etat fera bientôt jeu égal avec la Grande-Bretagne sur ce segment de marché.

Pour améliorer sa position, alors que la part du secteur financier au produit intérieur brut, de près de 13% en 2007, a chuté à moins de 9%, la place financière aurait besoin d’une ouverture du marché des services, en particulier vers l’Union Européenne (UE). «C’est très difficile car l’UE, avant d’entamer des discussions liées au Brexit, ne veut pas créer de précédent avec la Suisse», explique Jörg Gasser, secrétaire d’Etat aux questions financières internationales (SFI).

L’Association suisse des banquiers (ASB), qui a salué jeudi la mise de 20 pays supplémentaires sur la liste des partenaires de l’échange automatique de renseignements en matière fiscale (EAR), qui en comprend désormais 78, espérait, en contrepartie, une ouverture du marché européen pays par pays. Cela a été possible avec l’Allemagne, mais tout est aujourd’hui bloqué. «Malgré un dialogue intensif, l’Italie et d’autres pays européens sont réticents à l’idée d’un accord bilatéral sur les services», constate Jörg Gasser.

Stratégie caduque

L’ASB espérait qu’une amélioration de l’accès au marché pourrait se faire, pays par pays, dans le cadre des discussions sur l’EAR. Cette stratégie ne fonctionne pas. Tout ce que la Suisse a pu obtenir, c’est une déclaration de bonnes intentions selon laquelle le dialogue restait ouvert pour tenter d’améliorer les conditions d’accès au marché. En décembre le Département fédéral des finances a d’ailleurs reconnu que «l’EAR représente une forme internationale pour l’introduction de laquelle il ne peut être exigé de contreparties».

La Suisse attend donc toujours qu’on lui rende la monnaie de sa pièce. Jörg Gasser a rappelé jeudi que la Confédération a mis les bouchées doubles pour effectuer un gros travail de régularisation, notamment en matière de conformité fiscale, avec les normes de l’UE et de l’OCDE. Il constate que le contexte n’est pas favorable à une ouverture économique.

«La stratégie «America first» va à l’encontre du principe d’égalité de traitement indispensable à un petit pays comme la Suisse pour défendre ses chances dans un monde économique globalisé, explique le chef du SFI. Les changements géopolitiques, Brexit compris, créent un climat peu favorable à l’ouverture des marchés, et un environnement difficile pour la Suisse qui devra subir cette vague de protectionnisme». Les tensions économiques qui peuvent naître entre les Etats-Unis et l’UE constituent un risque supplémentaire pour la Suisse, dont la prospérité dépend d’une large ouverture des marchés.

Jörg Gasser a aussi confirmé qu’en cas d’échec en votation populaire du projet fiscal RIE III, il faudra remettre rapidement l’ouvrage sur le métier pour entrer dans le cadre de l’accord multilatéral en préparation à l’OCDE sur la lutte contre l’érosion fiscale et le transfert des bénéfices des sociétés (BEPS).