Après le coup de tonnerre du 15 janvier, lorsque la Banque nationale suisse (BNS) a subitement décidé d’abandonner le cours plancher du franc, le monde entier s’est intéressé aux divers taux de change fixes dans le monde. En Europe, les analystes ont cherché à établir des analogies avec le franc suisse, s’intéressant pour cela tout particulièrement à deux devises: la couronne danoise (DKK) et la couronne tchèque (CZK). Le taux de change fixe de la première par rapport à l’euro a subi une pression suffisante pour forcer la Nationalbanken danoise à abaisser ses taux à trois reprises, ainsi qu’à intervenir sur le marché des changes à hauteur de 13 milliards d’euros (environ 5% du PIB) en janvier.
Toutefois, le Danemark n’est pas la Suisse; la couronne danoise est assez peu négociée et n’affiche aucune tradition de valeur refuge. En outre, les Danois détiennent des actifs considérables en monnaies étrangères, via leurs fonds de pension, et se battront bec et ongles pour défendre le taux de change fixe qui garantit la valeur de ceux-ci. La Nationalbanken a déjà convaincu le Trésor danois d’arrêter d’émettre des obligations à long terme et de forcer les acheteurs de couronnes à se rabattre sur des instruments à court terme offrant un rendement négatif. Ajouté à cela, la couronne danoise est la dernière monnaie à participer au second mécanisme de taux de change européen (MCE II), ce qui signifie que la Banque centrale européenne (BCE) elle-même doit défendre le taux de change.
La couronne tchèque représente peut-être un cas plus intéressant. Elle n’est pas arrimée à l’euro mais la banque centrale tchèque a décrété un taux plancher de 27,00 CZK pour 1 euro. Cet outil de politique monétaire doit éloigner les risques de déflation et relancer l’industrie du pays après la chute du taux directeur à zéro fin 2012. La publication cette semaine du niveau des réserves de la banque centrale nous dira si la CZK subit une pression à la hausse.
Dans le reste du monde, les exemples les plus proéminents sont les exportateurs pétroliers du Golfe. Avec la chute du prix du baril en dollars, l’arrimage de leurs monnaies au dollar devrait subir une pression considérable, même s’il a déjà résisté à des tensions extrêmes.
Plus à l’est, nous trouvons le taux de change administré, le yuan chinois face au dollar. Ce taux de change est le plus important au monde. La Chine finit par reprendre le contrôle de la plus grosse bulle du crédit jamais vue, précisément au moment où le dollar (auquel la monnaie chinoise est indéniablement arrimée) s’envole alors que les deux autres grandes devises, yen (CNY) et euro, baissent considérablement. Le yuan sera-t-il le prochain à plonger? Le taux de change dollar/yen est à un cheveu d’atteindre un record en deux ans, une situation inédite depuis la dévaluation du yuan en 1994. Quelque chose est-il en train de se passer? Que cela signifie-t-il? Une autre vague de déflation va-t-elle s’abattre sur le monde, mettant à plus rude épreuve encore un système monétaire déjà ébranlé?
* Analyste et stratège en devises auprès de Saxo Bank