dépôts
Des banques transmettent le coût des intérêts négatifs de la BNS sur leurs clients, d’autres pas. Au sein des établissements, il n’est pas non plus sûr qu’il y ait une égalité de traitement. Les particuliers sont encore généralement épargnés
Des taux négatifs répercutés sans logique
Placement La plupart des banques transfèrent le coût des intérêts négatifs de la BNS sur leurs clients, même si les particuliers restent épargnés
Il ne semble pas y avoir d’égalité de traitement au sein des établissements
La tendance à répercuter les taux d’intérêt négatifs imposés aux banques par la Banque nationale suisse (BNS) se généralise. L’institution inflige une «taxe» de 0,75% sur les dépôts des établissements depuis la mi-janvier pour lutter contre l’appréciation du franc. Une ponction que ces derniers transfèrent à une partie de leur clientèle, à commencer par les grandes banques.
Chez UBS, on justifie la mesure par «les conditions particulières prévalant sur les marchés», soit les taux négatifs des banques centrales, et le «durcissement des dispositions réglementaires relatives à l’obligation de détention de liquidités par les banques». Elle vise les «avoirs individuels sur les positions en compte élevées de la clientèle institutionnelle et des entreprises», mais ne donne pas de détail, ni sur les montants, ni sur les taux appliqués. La banque dit ne pas prévoir «pour le moment l’introduction de frais comparables (taxation du solde créditeur) sur les avoirs de la clientèle de détail».
Même politique du côté de Credit Suisse, «à l’heure actuelle» concernant la clientèle privée. Elle ne donne pas plus de précision que sa grande rivale sur les montants et les taux imposés aux plus grands clients, précisant que ceux qui sont concernés sont informés individuellement et que ces règles «sont adaptées de façon continue à l’évolution des taux d’intérêt et aux conditions du marché».
Les grandes banques, de même que certaines autres catégories de banques, sont pourtant en partie exonérées des ponctions de la BNS. Tirent-elles un bénéfice des ponctions réalisées sur leur clientèle? C’est difficile à dire, selon l’économiste Jean-Pierre Béguelin. L’exonération, selon les règles de la BNS, s’élève à vingt fois les réserves obligatoires. Or, ce montant est une «donnée confidentielle» que ni l’institution, ni les banques ne communiquent. En outre, les banques sont confrontées à un problème supplémentaire, ajoute l’économiste: «Comme les obligations de la Confédération à dix ans ont un taux moins négatif que –0,75%, la banque qui prête à long terme devra payer pour se couvrir, si bien que cela lui coûtera. Dans ce sens, elle paie un intérêt négatif», explique cet ancien de Pictet et de la BNS.
Jean-Pierre Béguelin reconnaît cependant que «la décision revient à chaque banque de répercuter ou non et là, c’est un peu à la tête du client». Les banques cantonales appliquent également leur politique, mais «tout se négocie», poursuit-il, soulignant que tout cela est couvert par le secret des affaires. «Rien n’est clair, mais les banques ont tendance à répercuter de plus en plus les taux négatifs. Pourquoi se gêneraient-elles puisque les grandes le font? Reste une question: A quand une répercussion sur les clients privés?», se demande-t-il.
Ces derniers sont encore largement épargnés. Lombard Odier est la seule banque à avoir admis imposer une taxe pour des comptes de plus de 100 000 francs. «L’application d’un taux d’intérêt négatif remonte à plusieurs mois. Elle concerne équitablement tous les clients, internes ou externes. Plusieurs seuils d’exceptions sont prévus», précise la banque genevoise.
Selon notre enquête, l’établissement genevois, qui a pris cette décision fin janvier dernier, resterait le seul à imposer des montants dès ce niveau. La plupart des banques privées s’en tiennent aux clients institutionnels.
Pictet, par exemple, explique que «des taux négatifs, évoluant en fonction des conditions du marché, ont été introduits pour les avoirs en compte courant en francs détenus par des clients institutionnels». Montant seuil: un million de francs. L’établissement précise que cette mesure a été imposée dès mars, «soit près d’un mois et demi après la mise en application de la décision de la BNS, afin de laisser aux clients institutionnels le temps de considérer les options s’offrant à eux pour optimiser la détention de leurs actifs et de prendre des dispositions dans ce sens».
Les banques cantonales, elles, font également le dos rond lorsqu’il s’agit de clientèle privée. La BCV dit ne pas appliquer de taux négatifs pour les particuliers et pour les PME et «n’a pas l’intention de le faire tant que les conditions cadres ne changeront pas». Mais elle prévient: «Cela pourrait naturellement évoluer si la BNS devait modifier sa politique.» Pour les grandes entreprises et les institutionnels, l’établissement ne prélève rien sur «leurs avoirs correspondant à la moyenne de ces dernières années. Un taux négatif est par contre appliqué sur des liquidités qui seraient rapatriées à la BCV depuis d’autres établissements.» Reste que là aussi, tout semble se discuter: «Il s’agit de solutions individuelles, chaque grande entreprise ou institutionnel ayant son propre plafond jusqu’auquel la BCV n’applique pas de taux négatif.»
La BCGE, elle, répercute les taux négatifs décidés par la BNS pour les «montants très importants». Un seuil, là aussi, mobile. «Pour la clientèle susceptible d’apporter des sommes importantes – entreprises, caisses de pension, quelques clients privés – nous avons simplement mis en place un seuil indicatif de 10 millions de francs – à partir duquel est appliquée une retenue de 0,75%. En réalité, nous répliquons les modalités d’application assez subtiles de la mesure édictée par la BNS: elles permettent de ne pas frapper l’épargne des particuliers et de ne concerner que les grands comptes», précise la banque cantonale. En outre, «il existe des dérogations pour les clients les plus fidèles qui ont un volume d’affaires très important».
Si PostFinance épargne également les particuliers, elle est, elle aussi, plus nébuleuse lorsqu’il s’agit de gros clients. «Actuellement, nous imposons 1% sur la part des avoirs qui dépasse la valeur seuil qui a été fixée pour le client», explique un porte-parole, sans définir la fameuse «valeur seuil», qui est «fixée individuellement pour chaque client».
Seule Raiffeisen, qui dit n’être «pas directement concernée par les taux négatifs selon les critères définis par la BNS», n’applique aucun taux négatif «quel que soit le groupe de clients».
«Rien n’est clair, mais les banques ont tendance à répercuter de plus en plus les taux négatifs»