Les terres rares font leur retour comme opportunité d’investissement
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Ces matériaux indispensables pour les voitures électriques, les éoliennes ou les smartphones ont vu leurs cours s’envoler depuis fin 2020. Pour l’investisseur, c’est la concrétisation de promesses identifiées il y a plus d’une décennie

C’est l’un des meilleurs fonds actions disponibles en Suisse sur un an, avec une performance de +186%. Géré par Dolefin, une société de gestion vaudoise à Nyon, c’est aussi le seul fonds au monde investissant sur le thème des terres rares, ces métaux indispensables pour la transition énergétique, incontournables dans les moteurs de voitures électriques, les éoliennes ou les écrans. Les plans de relance post-covid, avec leur dimension durable marquée, ont redonné une nouvelle vie à cette opportunité d’investissement identifiée il y a plus de dix ans mais qui n’est fructueuse que depuis une année.
A la fin des années 2000, les terres rares étaient présentées comme le pétrole du futur. Une matière première indispensable pour la mobilité électrique, une voiture à batteries en utilisant par exemple 1 kg. Autre atout, les réserves de ces 17 éléments se trouvaient essentiellement en Chine. Cette formule apparemment gagnante a néanmoins mis plus d’une décennie pour générer des performances positives.
«Entre 2009 et 2010, la Chine, qui fournissait 95 à 98% des terres rares utilisées dans le monde, a imposé trois séries de quotas d’exportation, afin de nettoyer les nombreuses petites mines qui en produisaient. Les prix se sont envolés, avant de se normaliser en 2011. Puis la crise de l’euro a retardé les grands investissements européens dans la mobilité électrique, ce qui a fait plonger les cours», se souvient Urs Gmur, gérant du fonds terres rares de Dolefin. Cette période a été fatale à la dizaine de fonds lancés sur cette thématique dans le monde au début de la décennie 2010, sauf à celui de Dolefin, qui a néanmoins souffert, perdant jusqu’à 62% de sa valeur en février 2016 (le fonds pèse actuellement 60 millions de francs).
Tournant en 2016
Mais un premier tournant a eu lieu cette année-là, poursuit le gérant, «lorsque les investisseurs ont vu que les ventes de véhicules électriques et les installations de panneaux solaires dans le monde dépassaient les prévisions». Le neodymium, le terbium ou l’erbium ont alors commencé un retour en grâce qui s’est accéléré au printemps 2020 avec les plans de relance annoncés pour sortir de la crise du coronavirus. Entre mars 2020 et mars 2021, les prix de ces métaux ont été multipliés par 2 ou 3, tandis que le fonds vaudois gagnait 360%.
Le seul ETF sur les terres rares, le REMX, s’est également repris depuis mars 2020, avec un gain de 156% sur un an, mais il demeure en perte de l’ordre de 50% depuis son lancement fin octobre 2010. Cette divergence avec le fonds Dolefin s’explique par les ajustements apportés à la stratégie de ce dernier courant 2018. «Nous avons ajouté une exposition aux métaux critiques pour la transition énergétique, comme le lithium, le cobalt, le nickel, le manganèse ou le cuivre, reprend le gérant Urs Gmur. Nous sommes très positifs sur le stockage d’énergie via l’hydrogène, c’est pourquoi nous avons investi dans des fabricants d’appareils d’électrolyse, ce qui explique une grande partie de notre surperformance.»
Prochaine étape: le recyclage
La demande globale pour les terres rares pourrait être 3 à 7 fois plus élevée qu’aujourd’hui en 2040, selon les technologies adoptées pour les éoliennes (qui en consomment de 14 à 240 kg) et l’ampleur des soutiens publics, relève l’Agence internationale de l’énergie dans son récent rapport sur le rôle des métaux critiques dans la transition énergétique. Pour le cobalt, la demande bondirait de 6 à 30 fois, toujours selon l’AIE.
L’utilisation exponentielle des terres rares et des autres matériaux critiques pour la transition écologique ouvre la voie à un nouveau champ d’investissement, avance Luc Pez, cogérant du fonds Oyster Sustainable Europe chez Zadig Asset Management à Londres: «Le recyclage des batteries et des aimants permanents permettra de limiter l’exploitation des ressources minières, de réduire l’empreinte environnementale des véhicules électriques et de résoudre les problèmes d’approvisionnement internationaux à terme. Les taux de récupération des terres rares et autres matériaux critiques sont aujourd’hui supérieurs à 90%.» L’activité de recyclage des matériaux critiques est rentable, et pratiquée par quelques entreprises dans le monde seulement «mais elle bénéficiera d’un flux de matériaux à traiter important dès 2030», conclut Luc Pez, qui conseille également des acteurs industriels pour les questions liées aux matériaux critiques.