Tokyo, victime collatérale de la secousse sur les places émergentes

Bourse Les sociétés japonaises perdent 10% cette année

L’effet boomerang de la dépréciation du yen menace les placements étrangers

Correction. Le Nikkei a attendu le 30 décembre 2013 pour planter un dernier jalon marquant une altitude qu’il n’avait plus atteinte depuis six ans. L’indice reflétant les 225 sociétés les plus représentatives du deuxième marché boursier mondial a touché le niveau des 16 290 yens aux derniers jours de l’année. Puis a entamé sa descente dès le 1er janvier 2014. Elle se poursuit. En un mois, les titres échangés dans le monolithe de béton gris situé sur Kabuto-Cho ont perdu 10%.

Déjà, les théories les plus contradictoires se croisent pour esquisser le futur immédiat d’une bourse de Tokyo qui aura été le placement à ne pas rater en 2013. Affichant une progression de 57%, les titres nippons n’avaient connu millésime aussi flamboyant depuis 1972. Lundi, au cours d’une nouvelle journée de baisse, «l’attention s’est focalisée sur les turbulences secouant les marchés financiers émergents et l’expansion ralentie de l’économie chinoise», témoigne la maison de courtage Nomura. En clair, la bourse de Tokyo subit les effets collatéraux de la fuite des fonds d’investissement occidentaux hors des places émergentes. Dans leur élan, certains auront également tranché dans leurs placements nippons. Les derniers signaux d’une modération du rythme frénétique de l’industrie chinoise ne sont, eux, pas une bonne chose pour ses fournisseurs nippons.

D’autres explications, plus économiques, ont été avancées pour expliquer ce revirement boursier. La perspective de la hausse de la TVA en avril. Ou le retour de l’inflation – que la Banque du Japon s’acharne à rallumer artificiellement depuis dix mois en inondant l’économie d’argent frais. Cela pourrait ralentir la frénésie consommatrice de l’Archipel. Et pénaliser les sociétés plus dépendantes du marché intérieur.

Il en faut cependant davantage pour émouvoir les rares investisseurs étrangers restés fidèles à la bourse de Tokyo ces vingt-cinq dernières années. Ils voient dans cette hausse des prix une poursuite de la «normalisation» d’une économie trop longtemps marquée par la spirale de la déflation. Ils ne se formalisent pas davantage des coïncidences de date. C’est également un 30 décembre que, en 1989, la bulle spéculative des années 80 a éclaté – le Nikkei tutoyant les 40 000 yens – et précipité l’Archipel dans sa «décennie perdue».

Revenus de tout, les vieux routiers de Kabuto-Cho surveillent un indicateur: le niveau du yen. Car le plongeon imposé à la monnaie nationale reste l’un des piliers de la politique de renouveau du gouvernement de Shinzo Abe: l’an dernier, le yen a perdu 21% de sa valeur face au dollar ou 25% face au franc suisse. Pour le boursicoteur nippon, cette dépréciation est une aubaine. Favorisant les géants de l’exportation qui forment le cœur de la bourse, elle permet aux Toyota et autres Hitachi d’afficher des profits record. Chaque accès de faiblesse du yen fait ainsi remonter d’un cran le Nikkei.

Pour les investisseurs étrangers, il en va autrement. Chaque dépréciation de la monnaie du pays dans lequel ils placent leur argent est à retrancher des plus-values. L’an dernier, l’ampleur de la hausse connue par la bourse de Tokyo a amorti cet effondrement du yen – même s’il a privé les investisseurs y plaçant des dollars, des euros ou des francs suisses de la moitié de leurs gains. Leur crainte reste que cet effet boomerang ne se fasse plus violent en 2014. Surtout si la bourse de Tokyo revient, elle aussi, à davantage de «normalité». Ce n’est pas encore le cas: depuis un mois, la monnaie nipponne reprend quelques forces.

En hausse de 57% – du jamais vu depuis 1972 –, les titres nippons ont été le pari à ne pas manquer en 2013