Credit Suisse présente ses excuses, déplore une atteinte majeure à sa réputation, se sépare des deux responsables et promet que cela ne se reproduira plus. C’est un peu court pour clore cette affaire d’espionnage d’un directeur parti à la concurrence.

Chacun sait que cela ne suffira pas, car il s’agit avant tout d’une crise de gouvernance. L’enquête montre que le bras droit du numéro un de la banque, Tidjane Thiam, a agi en solitaire. «Pas de preuve écrite» de l’implication du directeur général, dit-on. C’est problématique, car soit le patron ignore ce que fait son second, il n’est donc pas maître de sa banque et par conséquent il doit partir. Soit l’opération a été décidée en haut lieu et tout le monde doit en assumer les conséquences. Mais la stratégie de la soupape de sécurité ne convainc guère. Tidjane Thiam en ressort donc terriblement affaibli. Devrait-il démissionner, comme le propose d’ailleurs Oswald Grübel, l’ancien patron de la banque et d’UBS?

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Affaiblissement des responsables

Encore plus haut dans la hiérarchie, Urs Rohner, le président du conseil d’administration, n’en ressort pas grandi non plus. Ce juriste de formation et ancien patron de groupe de médias n’aurait pas dû laisser s’enflammer le conflit de voisinage entre Tidjane Thiam et Iqbal Khan, son directeur de la gestion de fortune, cet hiver à Herrliberg, au bord du lac de Zurich. Trop conciliant?

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La poigne d’un Rainer Gut a manqué, note un banquier de la place, évoquant celui qui dirigea l’établissement de 1983 à 2000 pour en faire une banque dont la capitalisation, au tournant du siècle, avait dépassé celle d’UBS. «Parfois je me suis cru dans un mauvais film», dit Rainer Gut, dans le livre que lui consacrait Joseph Jung. Mais il savait mettre un terme au film. Car l’orage risque de ne pas s’éloigner de sitôt.

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Cours de l'action en baisse

Le message envoyé par Credit Suisse est celui d’un groupe qui rencontre un sérieux problème de gouvernance. En économie, tout le monde ne jure que par la durabilité et le respect des critères ESG (environnement, social et gouvernance). La grande banque est prise en faute sur le troisième critère.

L’affaire tombe mal. Les banques sont mises au défi d’offrir des solutions dans un environnement rendu encore plus compliqué par les taux négatifs et les nouvelles technologies. Pendant ce temps, les dirigeants de Credit Suisse donnent l’impression de gérer leur carrière plutôt que de se concentrer sur la mission de leur banque.

Un avis que les investisseurs semblent partager. Depuis 2009 et l’arrivée d’Urs Rohner à la tête de la banque, l’action de l’entreprise a baissé de plus de moitié.