UBS AG condamné à payer 3,7 milliards d'euros d'amende
Finance
AbonnéReconnu pénalement responsable des faits de démarchage et de blanchiment aggravé de fraude, le groupe UBS AG écope d’une amende de 3,7 milliards d’euros, soit 4,2 milliards de francs

Notre correspondant à Paris Richard Werly suit le jugement en direct. A lire sur son fil Twitter depuis 13h30.
Journée cauchemar pour UBS au tribunal de Paris. 3,7 milliards (4,2 milliards de francs) d’euros d’amende ont été annoncés pour UBS AG. 15 millions d’euros d’amende pour UBS France. Dans les deux cas, les peines sont maximales pour des «faits d’une exceptionnelle gravité».
L'autre cadre supérieur de @UBS UBS AG Dieter Kiefer est lourdement condamné 18 mois de prison avec sursis et 300 000 euros d'amende. Seul Raoul Weill pour l'heure est passé à travers les mailles de la justice.
— Richard Werly (@LTwerly) 20 février 2019
UBS AG, sa filiale UBS France ainsi que six de leurs ex-cadres sont poursuivis pour «démarchage bancaire illégal», «blanchiment aggravé de fraude fiscale» et «complicité» de ces deux délits entre 2004 et 2012. Le Parquet national financier français a requis contre UBS AG une amende record de 3,7 milliards d’euros, justifiée selon l’accusation par «un système de fraude d’une ampleur exceptionnelle au caractère systématique», «une attaque inacceptable contre le pacte républicain» et une fraude aux «méthodes industrielles». L’Etat, partie civile, réclame en outre 1,6 milliard d’euros de dommages et intérêts.
Contre UBS France, le PNF a requis une amende de 15 millions d’euros. La facture totale pour la première banque mondiale, si ces sommes sont validées par le tribunal, pourrait donc dépasser les 5 milliards d’euros. Le Ministère public a également requis des peines de six à 24 mois de prison avec sursis, assorties d’amendes de 50 000 à 500 000 euros, contre les six prévenus physiques. Parmi eux figurent l’ex numéro trois d’UBS AG Raoul Weil, acquitté en 2014 de chefs d’inculpation similaires aux Etats-Unis (24 mois de prison avec sursis et 500 000 euros d’amende requis) et l’ancien dirigeant de sa division Europe de l’Ouest et ex-président du conseil de surveillance d’UBS France Dieter Kiefer (18 mois avec sursis et 400 000 euros d’amende).
Lire aussi l’interview de Jean-Frédéric de Leusse: «Chez UBS France, l’épreuve a forgé notre cohésion»
UBS AG s’était acquittée, dans le cadre de la procédure, d’une caution de 1,1 milliard d’euros en septembre 2014, validée en 2017 par la Cour européenne des droits de l’homme auprès de laquelle la banque avait fait recours. Une transaction hors tribunal entre le parquet et la banque suisse avait ensuite échoué, au regret de ses dirigeants. «Si UBS avait pu trouver un accord raisonnable avec le Parquet national financier, nous l’aurions fait, déclarait au Temps le président d’UBS France, Jean-Frédéric de Leusse. C’est ce qu’il fallait faire et c’est ce que nous voulions. Un accord à des conditions acceptables pour nos clients et nos actionnaires: oui, telle aurait dû être la solution.» A l’inverse, UBS a payé 780 millions de dollars aux États-Unis en 2009 et 300 millions d’euros en Allemagne en 2014, ce qui lui a évité un procès.
A quoi servaient les «carnets du lait»?
Durant le procès-fleuve du secret bancaire suisse, qui s’est tenu du 8 octobre au 15 novembre 2018, la défense des deux banques s’est acharnée à démontrer l’inverse: à savoir qu’aucun système n’avait été mis en place par UBS AG et UBS France pour permettre à des banquiers helvétiques de recruter de riches clients dans l’Hexagone (où ils n’avaient pas le droit d’exercer) et d’organiser le rapatriement de ces fonds en Suisse sans les déclarer au fisc.
Lire aussi: Au procès UBS, deux justices face à face
Les principaux avocats des deux banques, Me Denis Chemla (UBS AG), Me Jean Veil (UBS AG) et Me Eric Dezeuze (UBS France) ont affirmé que les «carnets du lait» – présentés comme l’instrument d’une comptabilité occulte pour tracer les avoirs non déclarés captés par les chargés d’affaires d’UBS – n’étaient rien d’autre qu’un simple outil d’évaluation de performance des banquiers. Raoul Weil et Dieter Kiefer ont pour leur part nié avoir eu une quelconque connaissance de flux de capitaux non déclarés en provenance de la France vers la Suisse. Le cas d’un des prévenus, l’ancien directeur commercial d’UBS France, Patrick de Fayet, est particulier car il est le seul à avoir, en 2016, reconnu sa complicité. La procédure de reconnaissance préalable de culpabilité le concernant n’a toutefois pas été homologuée.
L’accusation a basé tout son raisonnement sur l’existence d’un flux avéré de capitaux non déclarés entre la France et la Suisse, puisque 3900 clients d’UBS ont – après l’abandon du secret bancaire par la Confédération en 2009 et la mise en place d’un service de régularisation côté français – régularisé 3,7 milliards d’euros d’avoirs non déclarés (soit le montant de l’amende). Une somme et un «système» suffisamment crédibles selon les juges d’instruction et le Parquet national financier, dont la défense a pilonné la stratégie, en insistant notamment sur l’absence de témoins et de preuves irréfutables contre UBS.
Lire également: Au procès d’UBS, des banquiers bien loin de leurs clients
Au moment où la France espère offrir aux banques de la City de Londres une alternative en raison du Brexit britannique, ce jugement sera «observé par le monde de la finance» avait averti en novembre le directeur juridique d’UBS, Markus Diethelm, dans Les Echos.