Évasion fiscale
Un riche entrepreneur du Texas aurait caché 2 milliards de dollars au fisc américain, dont plus de la moitié dans deux banques du bout du Léman, Mirabaud et Syz. Le montant de la fraude serait historique

Nouvelle affaire pour la place financière genevoise. Plus de 1 milliard de dollars ont été séquestrés dans deux banques du canton, Mirabaud & Cie et le groupe Syz, dans le cadre d’une fraude fiscale d’une ampleur historique aux Etats-Unis, selon des informations que nous tenons du Ministère public genevois. L’affaire implique également une banque neuchâteloise, Bonhôte & Cie.
Un entrepreneur américain, Robert Brockman, est accusé d’avoir caché 2 milliards de dollars au fisc américain, selon une plainte déposée le 10 octobre par le gouvernement américain, ont révélé l’agence Bloomberg et Gotham City, une newsletter spécialisée dans la criminalité économique. Il s’agirait du plus grand cas de fraude fiscale reproché à un individu dans l’histoire des Etats-Unis, selon les plaignants.
Pas moins de 950 millions chez Mirabaud
Plus de la moitié des 2 milliards de dollars de Robert Brockman se trouveraient dans les banques genevoises Mirabaud et Syz, selon la plainte: 950 millions de dollars auraient été accueillis par Mirabaud entre 2010 et 2016. L’acte d’accusation ne donne par contre pas de chiffres du côté de Syz où, selon Gotham City, une centaine de millions de dollars auraient été saisis. En juin dernier, les avoirs sous gestion chez Mirabaud s’élevaient à 32,7 milliards de francs et à 24,6 milliards chez Syz à la fin de 2019.
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Robert Brockman, un Texan de 79 ans, est le directeur de Reynolds & Reynolds, un groupe actif dans l’industrie automobile. Il est accusé de ne pas avoir déclaré 2 milliards de revenus pendant vingt ans, des sommes dissimulées par le biais de sociétés offshores aux Bermudes et dans les Caraïbes. Le milliardaire est soupçonné de fraude fiscale, de défaut de déclaration de comptes étrangers et de blanchiment d’argent notamment.
Ces accusations tombent alors qu’un de ses partenaires d’affaires, Robert Smith, s’est retourné contre lui. Réputé pour ses gestes philanthropiques, ce multimilliardaire afro-américain est le fondateur du groupe d’investissement Vista Equity Partners. Il a reconnu avoir caché 200 millions au fisc et a versé une grosse somme pour éviter une inculpation. Une partie de sa fortune se trouverait au sein de la banque Bonhôte.
Des pseudonymes de poissons
Aucune procédure n’a été lancée contre les banques suisses. Selon l’acte d’accusation, Robert Brockman aurait ordonné à des hommes de paille d’ouvrir plusieurs comptes chez Mirabaud, à Genève. Ces comptes étaient officiellement liés à un trust caritatif. Les comparses utilisaient une messagerie cryptée et des pseudonymes de noms de poissons, comme «truite arc-en-ciel» ou «vivaneau».
Contactées, les trois banques n’ont pas souhaité faire de commentaires. Les lois suisses en matière de secret bancaire les empêchent de s’exprimer sur des cas spécifiques.
A l’image de plus de 80 banques suisses, Bonhôte avait participé au programme de régularisation américaine lancé en 2013 par Washington, en catégorie 2. A ce titre, ses clients considérés comme des contribuables américains avaient dû démontrer que leurs avoirs étaient déclarés auprès du fisc américain. La banque neuchâteloise a dans ce cadre demandé à Robert Smith de se mettre en règle en 2013 et 2014, selon Bloomberg.
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En revanche, Mirabaud et Syz n’avaient pas participé à ce programme américain. Le groupe Syz possède une société de gestion dédiée à la clientèle américaine, pour laquelle une autorisation est nécessaire de la part du surveillant financier américain, la SEC. Plusieurs banques suisses ont ouvert de telles structures au cours de la dernière décennie.
Les noms de Mirabaud et de Syz sont apparus dans d’autres affaires importantes ces derniers mois. Le premier établissement est prévenu de blanchiment d’argent aggravé par la justice genevoise, suite à un versement de 100 millions de dollars sur un compte de l’ex-roi d’Espagne. Le dossier porte sur de possibles commissions illégales liées à des marchés publics saoudiens. Le groupe Syz abriterait pour sa part des fonds angolais, de plus de 1 milliard de francs, qui seraient le produit d’un blanchiment d’argent, selon la justice de cet Etat africain.