Une bonne année 2013 suffira-t-elle à faire revenir les investisseurs européens vers les hedge funds?
gros plan sur un marché
Contrairement aux Américains, les Européens se méfient encore de la gestion alternative. Ils ont toujours Madoff et des rendements décevants pendant la crise à l’esprit. Cela pourrait changer cette année, alors que l’immobilier et l’obligataire seront moins attrayants
Une bonne année 2013 suffira-t-elle à faire revenir les investisseurs européens vers les hedge funds?
Contrairement aux Américains, les Européens se méfient encore de la gestion alternative. Ils ont toujours Madoff et des rendements décevants pendant la crise à l’esprit. Cela pourrait changer cette année, alors que l’immobilier et l’obligataire seront moins attrayants
D’un côté, les investisseurs américains, notamment institutionnels, n’ont jamais délaissé les hedge funds, même après 2008. Ils continuent d’ailleurs à se presser pour allouer leurs actifs auprès de gérants talentueux. De l’autre, les Européens continuent d’être timides face à cette industrie, voire à se retirer. 2013, qui a été une bonne année en termes de rendement pour l’alternatif, peut-elle finalement les faire changer d’avis?
Paradoxalement, malgré une base aux Etats-Unis, Madoff avait fait son marché plutôt en Europe. Ainsi, les fonds de hedge funds américains ont vu leur image moins écornée que leurs homologues européens, plus affectés par la fraude. A cela s’ajoute le désastre des performances de 2008 et, pire encore, de celles de 2010 avec la crise des pays en difficulté de la zone euro. Ces facteurs expliquent que les investisseurs européens ont une expérience récente assez négative des hedge funds.
De plus, à la suite de la crise de 2008, les régulateurs et politiciens de l’Union européenne (et de la Suisse aussi) ont tenté de renforcer leurs réglementations, pour éviter que l’histoire ne se répète. Comme souvent, ces nouvelles réglementations ne sont pas vraiment pragmatiques et n’ont fait qu’augmenter les contraintes (pour la forme) et les coûts, sans vraiment traiter les maux (le fond). En revanche, elles ont eu un impact sur les nouvelles initiatives d’investissement en les bridant. Elles ont encore plus affecté les rendements proposés aux investisseurs en imposant des cadres particuliers. Des facteurs qui peuvent expliquer le succès plutôt tiède des produits européens dits UCITS (accessibles à tous les investisseurs) et des plateformes liquides – ces véhicules réglementés censés attirer des masses de capitaux.
Comme déjà mentionné dans ces colonnes précédemment, l’industrie est en profonde mutation depuis 2009. Avec la consolidation à répétition du secteur – le rachat de EIM par Gottex constitue le dernier deal majeur en date –, il semble que l’industrie en Europe soit en train de faire sa mue, avec un retard par rapport aux Etats-Unis. De cette transformation devrait ressortir des concurrents plus à même d’offrir des solutions personnalisées aux besoins de leurs clients, tout en rentrant dans le nouveau carcan réglementaire.
Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, les consultants ont tous des allocations significatives aux hedge funds dans leurs modèles, malgré les critiques sur les commissions de gestion élevées et le manque de transparence.
Leur point de vue reflète une approche quantitative qui démontre la grande valeur des fonds de hedge funds à moyen et long termes. Ils sont donc beaucoup moins axés sur les performances relatives court-termistes.
Culturellement, il semble que l’approche plus libérale des Anglo-saxons et leur vision moins négative des métiers de la finance contribuent également à cette allocation d’actifs au profit de la gestion alternative.
En Suisse, les consultants sont en majorité «anti-alternatifs», pour les raisons évoquées ci-dessus, mais pas seulement. La très (ou trop?) bonne tenue des obligations et de l’immobilier a grandement contribué à maintenir bon nombre de fonds de pension et portefeuilles helvétiques à flot depuis 2008. Les hedge funds ont souffert de la comparaison avec une classe d’actif à rendement stable (car soutenu par les taux très bas) et à volatilité inexistante (car liquidité inexistante). Aux Etats-Unis, au contraire, la crise de l’immobilier a rendu la présence des hedge funds essentielle.
Il ne s’agit, cependant, que d’une question de temps pour que les investisseurs revoient leur jugement en Suisse et en Europe.
En effet, avec le début de la fin (ou la fin du début) des politiques d’assouplissement quantitatif, qui ont provoqué la grande absence de portage (carry) ou de yield (rendement), certaines classes d’actifs risquent de voir leur volatilité (risque) augmenter de manière significative. C’est notamment le cas des obligations souveraines, émergentes et d’entreprises, qui proposent des rendements très réduits et une sensibilité aux taux très élevés. L’immobilier, de plus en plus sensible aux taux (avec les hypothèques à taux variable), n’est clairement pas à l’abri non plus.
En réponse à cela, un portefeuille de hedge funds bien construit, avec une volatilité attendue de 4 à 8% (soit un «budget de risque» équivalent à une obligation 10 ans sur du long terme), et une attente de rendement bien plus élevé avec l’amélioration de la conjoncture, semble en effet une alternative de qualité.
Finalement, pour répondre aux contraintes réglementaires, il existe de plus en plus de solutions hybrides. Par exemple, des mix de solutions traditionnelles et de hedge funds, qui comprennent une allocation dynamique à risque constant («risk parity») et une stratégie de couverture («overlay»). Ces véhicules sont réglementés (SIF/UCITS notamment), liquides et transparents, et doivent répondre aux besoins des institutionnels. Ce, tout en gardant l’asymétrie de performance que les hedge funds doivent donner à un portefeuille.
En espérant que les investisseurs européens n’attendent pas, comme c’est souvent le cas, la prochaine crise pour réagir, ils devraient s’inspirer de certains institutionnels. Le CERN, en Suisse, par exemple, a été récompensé pour son approche innovante en matière de hedge funds en 2012-2013. Certains «family offices» très sophistiqués font également de l’alternatif le cœur de leur approche philosophique (recherche constante d’asymétrie de performance), voire pratique (allocation indirecte, ou directe, voire en interne).
* Eurofin Capital
Il faut espérerque les investisseurs européens n’attendent pas la prochaine crise pour réagir